Qui se souvient de Pierre Goldman ? Il y a vingt ans, en décembre 1974 il était condamné par la cour d\’assises de Pans à la réclusion criminelle à perpétuité. Ce avait traîné dans la \ »mouvance\ » de l\’U.E.C. (Union des étudiants communistes) qui enfanta les Kouchner, Kravetz ou Péninou (respectivement ex-ministre \ »humanitaire\’\’, actuel créateur de Libé-le magazine, et directeur de Llbé-le quot1d1en), entre aut_res. Dans cette U.E.C. s\’inventait la subversion du monde endormi.
Bientôt le gaullisme allait trembler sur ses bases. Jusqu\’alors ils n\’av ient fait que critiquer la guerre d\’Algérie, et s\’inspirer auprès des communistes italiens pour secouer un peu le joug stalinien.
Pierre Goldman, homme d\’action, était l\’animateur du service d\’ordre d\’étudiants prégauchistes du Quartier latin, occupés à tenir la rue _
1e
de la faculté d\’Assas (dirigés par Alain actuel ministre, et Gérard ex-ministre de monsieur Balladur). Ça, c\’était il y a près de trente ans.
Entre-temps, Goldman était parti en Amérique lati e où !1.av.ait été _ entraîné, tel Régis Debray, dans les camps de formation m1!1ta1re cubains, puis parachuté au Venezuela où il avait passé une morte-saison de
à écouter voler les mouches en buvant du rhum, semble-t-il. Il raconte ça merveilleusement dans les Souvenirs obscurs d\’un Juif
polonais né en France, un classique. Trouvable en livre de poche. Ainsi, du fond de l\’Amérique latine, il sèche mai 68 – tout comme Régis
Debray. Trop enthousiastes, les deux étaient partis trop tôt et en conservaient un regard hautain. La révolution, ils l\’avaient tant aimée. Et ce n\’était que ça, cette où les moutons finiraient par voter en masse pour conforter l\’ordre bourgeois… Ainsi s\’exprimait-on en ce temps-là.
De retour en France, Goldman sombre dans la nostalgie. Double no talgie : celle de la salsa et celle des armes. La salsa, il s\’en saoûle à la Chapelle des Lombards, alors rue des Lombards , où 1 font dan r les amis. Pierre frappe des percussions de temps en temps. C\’était à la fin des années soixante-dix.
….,,,,…>MT\’Tnrrr\’sc:iu somr 1rrorr1. A res ne-nrevecarrrere,morns oourmante que celle d\’un Mesrine ou d:un Bonnot, Pierre Goldman se fai aitarrêter. Puis condamner à perpétuité, pour avoir non seulement co m1s quelques hold-up, mais assassiné une pharmacienne, 6, boulevard R1chard-Leno1r.
Condamné, il engage des études de philo, tombe amoureux. d\’_une . visiteuse de prison – qu\’il connaissait peut-être avant -, et ecnt ce llvre, les Souvenirs obscurs… lls paraissent en 1977 et subjuguent la gauche bien pensante. Un large mouvement d\’opinion l\’entoure d_\’une douce chaleur. Ses avocats obtiennent la de son premier procès et, dans la foulée de sa nouvelle popularité littéraire, il repasse devant les tribunaux. Cette fois, en plus d\’être populaire-, il se défend – ce qu\’JI ne s\’é.tait pas abaissé à faire la première fois. En plus de se défendre, 11 est defendu, par une belle brochette d\’avocats – dont l\’un deviendra ministre : Georges Kiejman, qui avant d\’être un mauvais ministre ! isait n av t.
En plus d\’être populaire, de se défendre et d etre defendu._11 semblerait. qu\’il fut cette fois jugé par un tribunal honnête. Ces choses-la arrivent. Et \’! fut du meurtre, ses peines réduites, et quelque temps plus tard remis en liberté après six ans d\’emprisonnement.
A Libé \’ses frères d\’armes de jeunesse tentèrent de l\’embaucher. Ça dura un temp ,puis, pour de bonnes ou de mauvaises.raisons, il efâch .et . claqua la porte. On ne sait p s grand chose de 1 1 en UJte, sinon qu JI battait toujours la salsa avec Azuqu1ta à la Chapelle. Il ecriv1t un roman . . prémonitoire, L\’Ordinaire mésaventure d\’Archibalc! Rappoport, et le jeudi 3 septembre vers m1d1, à l\’heure où sa femme entrait en matern1te pour accoucher de leur fils, de mystérieux assassins lui lâchaient quelques
près de la Poterne des Peupliers, à Paris ?ans le XI 11•. L\’émotion fut terrible. Goldman avait fini par symbollser plein de choses
dans l\’imaginaire collectif de l\’extrême gauche. Libé jurait sur sa tombe de faire sur sa mort. Une organisation dite \ »Honneur de la pollce\ » lâchait un communiqu \ »rev ndi uant\ » l\’assass.inat._ Et les bruits se mirent à courir d\’autant plus vite qu ils eta1ent imprimes, disant que Goldman avait \’probablement été liquidé pour vouloir aider de trop près les séparatistes basques de l\’E.T.A.
Puis rien. La comm1ss1on d\’enquête de Libé déclara forfait que ques années plus tard, en laissant la désagréable impression_d\’en avoir un peu plus qu\’elle ne voulait bien en dire. E tre-temps _on_ était entre dans la décennie Mitterrand. La lâcheté n\’avait plus de l1m1tes.
Vingt ans après, merveilleux 😮 d . s_to• e, il y a un_iournal pour se souvenir : ce n\’est pas Libé, c\’est Tribune JU1ve. Ils en pro!1tent pour interviewer maître Francis Chouraqui, un des avocats de Pierre Goldman. On lui demande : «Les circonstances de son assassinat demeurent encore assez troubles. Que savez-vous à ce propos ? ..
Il répond: . . . . .
« Le dossier il est vrai a été refermé sans qu\’on 1dent!f1e off1c1e/lement les auteurs de\’cet assass\’inat, mais je crois que /\’ ui 1rd\’hui à peu
Je ne peux en dire plus. .. On sait tout ? On ne peut pas le dire ? Ah bon ? Pour permettre aux
assassins de courir en liberté ? Est-ce cela le parti de la défense et des pseudo-commissions d\’enquête qui se s nt intéress_ées à l\’ ff ire ?• L\’assassin est gênant? Ah bon ? En quoi un assassin peut-11 etre genant? Ce sont les morts qui nous gênent. Les morts que nous ne voulons pas assumer. Les morts qui étaient trop bien pour nous.
Honneur de la police revendiquera plus tard l\’assassinat d\’Henri Curiel, un étrange bonhomme avec d\’étranges qualités lui aussi – et sûrement des défauts. Ces assassins visaient justes : au
\ » 1 cœur des plus dignes, les moins lâches d\’entre nous. Après eux, on attend toujours ceux qui savent la vérité et qui n\’osent pas la dire. Mais de quel droit ?
Tribune juive
du 8 décembre ;
Souvenirs obscurs d\’un juif polonais né en France, Points-Seui1.
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