Vers la guerre civile ? Ainsi titraient…

Vers la guerre civile ? Ainsi titraient Alain Geismar et Serge July, en ce lointain début des années 70 où le ministre Raymond Marcellin faisait peser une poigne de fer sur les rescapés des barricades de 68. Se préparait alors l’action militaire, clandestine, préfigurant ce qui prospérera en Italie peu après, et qui fera long feu en France, la prophétie ne se réalisant pas en son pays, le parti des deux auteurs du pamphlet incendiaire, la Gauche prolétarienne, préférant s’auto-dissoudre plutôt que de s’engager plus avant dans la voie de la « nouvelle résistance »…

Aujourd’hui, c’est l’insurrection qui serait à l’ordre du jour, annonce à la télévision, sur le plateau de Frédéric Taddei, un représentant du groupe de Tarnac, au nom des livres du comité invisible – un Mathieu Burnel, très éloquent, comme on peut voir dans deux extraits ci-dessous.

Fantastique moment de télévision, cette confrontation brutale entre un jeune homme et l’ensemble du plateau l’entourant. L’archange de la révolution était incarné, et plus l’assemblée bourgeoise s’effarouchait, plus cela se vérifiait. Il sera par instant scotchant, comme avec l’analyse globale de la situation de nos jours, qu’il résumera par la résignation à l’apocalypse des classes gouvernantes, ne proposant au mieux que de « retenir le désastre », par des aménagements d’une catastrophe acceptée par avance.
« Ainsi, la sphère de la politique ne croit plus en rien, et c’est évidemment pour ça que plus personne ne croit en elle. »

On entendait du Guy Debord live à la télé. Beau comme un pavé de 68. L’évidence. Pour un peu l’écran allait imploser tant la tension était palpable. « Vous n’êtes pas sérieux », s’égosillait-on à lui répondre, manquant singulièrement d’arguments. Or, c’était vrai. Pas plus que July et Geismar appelant à la guerre civile jadis, les néo-insurrectionnalistes de Tarnac ne sont, effectivement « pas sérieux ».

Burnel concluait son intervention en appelant tout le monde à rejoindre les manifestations du lendemain à Nantes et à Toulouse « et à tenir en respect la police par tous les moyens nécessaires ». Ah bon ? J’en parlais à mon jeune fils de quinze ans, un garçon d’ordinaire plein de bon sens, qui réagit en disant que oui, bien sûr, c’était possible. Peut-être, mais seulement dans ses rêves d’enfant…

Mutatis mutandis, en Italie, où Geismar et July seront entendus, prospéreront les Brigades rouges et autres chapelles se livrant à cet affrontement jusqu’au degré de la lutte armée la plus organisée et nombreuse jamais vue depuis la résistance au nazisme. Or, à aucun moment, il ne pouvait être question de renverser l’Etat. Ainsi la jeunesse révolutionnaire italienne se dotera de « tous les moyens nécessaires » pour s’opposer à l’Etat et ne ramassera que des milliers d’années de prison, après avoir laissé une traînée sanglante de tous ses morts et de « leurs » morts.

Un mot sur « eux » et « nous ». Permettez que je ne m’englobe dans aucun de ces sous-ensembles humains. C’est bien le début de la guerre, lorsque se définit un cercle d’exclusion et d’inclusion, on encense sa patrie contre celle de l’autre. Allemands et Français se haïront ainsi trois quarts de siècle, au prix de trois guerres, sans qu’on sache aujourd’hui pourquoi, et qu’est-ce qui pouvait bien opposer ces deux peuples que tout rassemble et qui se ressemblent tant.

Marx et Engels auront savonné la planche en prétendant, dès l’ouverture de leur fameux Manifeste, que l’histoire de toute société serait celle de la luttes des classes, opposant partout et toujours « bourgeois et prolétaires ». Le simplisme du point de vue, camouflé sous les milliers de pages du Capital, de Marx, aura fini par s’imposer comme allant de soi, à tel point qu’on pourrait dire « eux » et « nous ».

Et d’ailleurs, ce face à face télévisuel, du jeune radical confronté aux intellectuels bourgeois d’un plateau littéraire ordinaire, permettrait de toucher du doigt cette opposition. Aussi clairement que le déploiement d’un bataillon de gardes mobiles. Il y a deux côtés à une barricade. Il me sera même arrivé récemment de le rappeler à une amie qui prenait la défense inconditionnelle de Poutine, y compris contre les « nazis ukrainiens » et les « voyous tchétchènes ». On n’était vraiment pas d’accord.

Il y a de même une polémique nécessaire avec l’insurrectionnalisme de Tarnac. Significativement, renforçant la propension sectaire, leur nouveau livre s’intitule « A nos amis ». Ne sachant si j’en suis, je ne sais s’il s’adresse à moi…

L’affrontement policier aura été voulu par le premier ministre, on le sait. Il n’est pas loin le temps des manifestations pro-palestiniennes où l’on aura vu la police aider les ultra-sionistes à provoquer autant que faire se pouvait la guéguerre de rue. De même, à Sievens, on sait que la police faisait monter la tension délibérément depuis la rentrée – un nouveau Préfet ayant été désigné à cet effet. Pourquoi ?

Essayons d’imaginer ce que pourraient bien être les motivations de la politique incendiaire du gouvernement. Regardons par exemple ses résultats. Rémi Fraisse est mort suscitant une large émotion, des dizaines de lycées parisiens s’étant mis en grève jeudi et vendredi dernier. Et à la grande manif de samedi, il n’y avait pas trois mille personnes – bien moins qu’à la manif lycéenne de jeudi.

Ce que Burnel ne comprend pas, c’est que lorsqu’il appelle à l’affrontement insurrectionnel, il n’appelle pas « tous les gens qui trouvent absolument insupportable que des gendarmes puissent tuer des jeunes » – ce qui serait effectivement la chose à faire … Au contraire. Il n’appelle que « nous », ses « amis », s’il leur reste le courage d’aller risquer de se faire éborgner par un flash-ball ou exploser par une grenade offensive.

Idem à Paris, la tactique radicale qui conduira à Stalingrad plutôt qu’au vaste rassemblement pacifiste appelé au Champ de Mars, permettra d’une part de gommer l’un par l’autre dans le storytelling médiatique, d’autre part d’enfermer les radicaux dans un micro-affrontement stérile qui n’aura servi qu’à faire embarquer la moitié des manifestants au fameux commissariat de l’Evangile, mini camp de concentration aux lisières de Paris, intramuros.

C’est le résultat direct de près de quarante ans de philosophie politique, si l’on veut remonter à l’apparition de l’autonomie politique, en gestation dans les premiers squats parisiens du milieu des années 70, émergeant au grand jour après la manifestation de Malville, en juillet 1977. Mais c’est plus encore l’effet de la radicalisation voulue par le gouvernement, ce dont les gens de Tarnac savent quelque chose pour avoir vu déployée contre-eux la diabolisation des « anarchos-autonomes ».

Rien ne passionne plus les gardiens de l’ordre que l’existence de semeurs de désordres déterminés d’emblée à enfreindre la légalité. Des adversaires comme ça, ils payeraient cher pour en susciter. On leur offre sans réticence un plateau télé pourtant rigoureusement contrôlé, où ne passent que les transgressions admises parce qu’elles sont si utiles à la stratégie de l’Etat, comme celles d’un Dieudonné ou d’un Burnel. Le rapprochement entre les deux est réel, mais convenons qu’il s’arrête là.

Car un Burnel dit bien que c’est la violence d’Etat qui provoque la violence des manifestants. Plus encore, la force mobilisée par la police et la gendarmerie est le plus souvent surdimensionnée. A Notre Dame des Landes comme au Testet, comme dans les rues de Paris ou de Nantes, quelques centaines de manifestants se voient opposer toujours au moins autant de policiers surentraînés et suréquipés.

Suréquipés : c’est le débat du jour. Ayant dans leur charte, l’instruction implicite de ne pas faire de morts, les gardiens de l’ordre se munissent d’armes non-létales qui tuent. Il faut interdire ces armes. On aurait apprécié que Burnel prenne en otage tous les participants du distingué plateau de Taddei, et Taddei lui-même, leur demandant de souscrire à la revendication d’interdire ces armes qui tuent. Qui aurait pu s’y opposer ? Qui peut décemment prétendre qu’il soit acceptable que les citoyens soient ainsi mis en danger lorsqu’ils exercent leur droit de manifester ?

Ce serait un aménagement « réformiste », et on ne peut demander une telle faiblesse à un militant révolutionnaire qui prône l’insurrection ? Dommage.

Dommage aussi que les Verts d’EELV aient pris la tête de la protestation contre la mort de Rémi Fraisse en invoquant seulement la revendication d’abandon du barrage que Rémi contestait et en oubliant de rappeler à chaque instant que ce qui est en cause là, ce n’est pas seulement le maintien du « zone humide », mais bien la défense du droit de manifester.

Tant qu’il y aura entre les mains des forces de l’ordre des flash-ball, des grenades offensives ou de désencerclement, ou des tasers, les citoyens souhaitant manifester doivent prendre le risque de perdre la vie ou un œil. Ce ne sont certes pas là les conditions d’exercice des droits démocratiques. Il faut interdire ces armes ans attendre.

Le gouvernement de François Hollande et Manuel Valls ne l’a pas compris ? On dit que les débats sont vifs au sein du PS, et qu’une réunion de son comité central aurait été houleuse, des anciens manifestants devenus sénateurs parvenant à se mettre du point de vue d’un jeune écologiste révolté. Mais il ne l’ont pas emporté semble-t-il. Et le Parti socialiste, aussi indigne que du temps où Jules Moch faisait tirer sur les mineurs, laissant au moins six morts sur le carreau.

C’est en mai dernier que Christiane Taubira demandait que soient indemnisé une trentaine de ces mineurs survivants des grèves de 1948, plus de soixante ans après que des centaines d’entre eux aient été abusivement licenciés, condamnés à de la prison ferme, chassés de leurs maisons, etc… Les 15 000 mineurs insurgés de 1948 représentaient un danger « militaire » autrement sérieux que quelques écologistes ou ultra-gauchistes. Que leur droit à l’insurrection soit reconnu demain

La Zad du Testet apprivoise les journalistes et essaye la cacatapulte

samedi 1er novembre 2014

L’annonce de la suspension des travaux du barrage n’a pas suscité grande réaction sur la zone humide du Testet où les zadistes se retrouvent pris sous les feux d’une pression médiatique intense, avec des craintes du retour de la police mais aussi des chantiers de construction de nouveaux campements et une détermination intacte. Reportage.

Albi et Zad du Testet, reportage

« Carcenac démission, Sivens, abandon ». Le slogan rime et est répété par deux cents personnes rassemblées vendredi matin 31 octobrer devant le Conseil général du Tarn, à Albi. Essentiellement membres du collectif Testet, l’assemblée tranche avec les manifestations houleuses et très médiatisées de ces derniers jours. Il faut dire que l’essentiel des troupes est resté à Sivens. Depuis trois jours, chaque soir un petit vent de panique s’empare des occupants quant à savoir si une intervention policière interviendra. « Carcenac a dit que le chantier était suspendu mais n’a rien dit sur le retour des flics » analyse Manu. Tous sont encore sonnés par la violence qui s’est exercé dans la nuit de samedi à dimanche et qui a entraîné la mort de Rémi Fraisse.

Après deux mois de tension extrême, difficile de se sentir en sécurité. Manu raconte mal dormir, faire des cauchemars, « quand je marche dans la rue, j’ai l’impression qu’un flic ou un pro-barrage va me tomber dessus ». Si le traumatisme est là, il n’est pas dénué de fondements. La pression reste intense, avec des contrôles d’identité nombreux aux abords de Gaillac et de la D999, mais aussi par la re-mobilisation des groupes de riverains pro-barrages « ou plutôt anti-zadistes ». Groupes facebook menaçants, appel à défendre y compris de manière armée les villages contre toute nouvelle attaque des « casseurs ». Sans parler des récentes déclarations du porte parole de la FNSEA, Xavier Beulin, qui dénonçait les « djihadistes verts », occultant l’usage immodéré de la violence dont font parfois usage ses adhérents quand il s’agit de défendre leur modèle agricole.

Mais ce matin, à Albi, tout est calme, les cordons restent dans les rues adjacentes, pas de lacrymos, pour une fois. Il faut dire que l’action est foncièrement pacifique. Renonçant même à l’idée de bloquer la route le temps d’un sit-in, tout restera symbolique avec des pancartes et la bouche barrée d’un bout de scotch, manière de montrer une nouvelle fois que les opposants n’ont pas été entendus.

Il est onze heures, quand Roland Foissac, élu Front de Gauche au Conseil Général et opposé au projet, sort de l’enceinte départementale. « Il n’y a eu aucun débat. Le président Thierry Carcenac a lu une déclaration préliminaire qui fait désormais foi pour l’ensemble du Conseil ». Dans ce texte tout en nuances, M. Carcenac admet que « le drame intervenu dans la nuit de samedi à dimanche conduit l’assemblée départementale à prendre acte de l’impossibilité de poursuivre toute activité liée au déroulement du chantier du site de Sivens ».

« Seront mises en œuvre toutes les précautions des experts mandatés par la ministre de l’écologie » sachant qu’il reviendra à « l’Etat, de les étudier et d’en assumer toutes les conséquences ». Cette suspension ne satisfait pas les opposants qui appellent immédiatement de plus belle à l’arrêt définitif du projet et à la démission de Carcenac en proposant même « de voter une loi Rémi Fraisse, pour mettre fin aux conflits d’intérêts ». Il faudra attendre mardi et la réunion entre le ministère de l’Ecologie, les élus locaux et les financeurs du projet pour savoir si celui-ci sera poursuivi et dans quelles conditions.

Tourbillon médiatique

Sur la ZAD en ce début d’après-midi, l’ambiance est calme. Mais très vite, les instructions tombent : « Pour les journalistes, les visites et photos sont entre 12 et 14 heures ». Un collègue journaliste vit assez mal la contrainte de suivre ces obligations. « Je veux juste prendre une photo ! » La discussion s’engage avec nous et un occupant sur le métier et sa précarité, le collègue finira par avoir ce qu’il cherchait.

C’est que la ZAD n’est pas un moulin, il faut connaître, avoir vu, compris aussi des modes de fonctionnement. Ainsi, ici, on demande systématiquement pour prendre une photo ou un enregistrement sonore. Ce qui paraît extraordinaire n’est autre qu’une simple protection de la vie privée des personnes. Non, les lieux ne sont pas un espace public, pas un terrain neutre. Qu’ils le veuillent ou non, les journalistes doivent s’adapter au mode de fonctionnement de ZAD, à la vie et aux envies sur place.

Notre présence de longue date au Testet nous permet de bénéficier d’un certain traitement de faveur et d’accéder aux zones les plus improbables. Camille, dit Girole, est notre guide : « T’es bien le premier journaliste qui me demande pas un autre pseudo, il paraît que celui-là fait pas sérieux ! » Après trois jours à la commission média, il est, comme beaucoup, « rincé, mentalement et physiquement ». « Le plus dur c’est de répéter, tout le temps, la même chose. J’ai jamais autant répété le même discours en si peu de temps. » Plus d’une centaine de média sont venus sur la zone depuis la mort de Rémi, « alors que presque aucun ne s’était jamais intéressé à nous avant » s’indigne Zebulon.

Beaucoup voient cette présence massive d’un œil un peu amer : « On n’a rien contre eux, contre leur personne, on sait qu’il ne font que leur métier. Mais à les voir débarquer comme ça aussi vite et aussi nombreux, on ne peut pas s’empêcher de penser à des charognards, qui ont attendu qu’il y ait du sang et de la mort pour venir. ».Le mot reviendra régulièrement au fil de notre visite, même dans des propos plus nuancés : « On a bien vu les différences. Certains sont vraiment venus faire du sensationnalisme, ils voulaient de l’image, le lieu de la mort, les photos. D’autres travaillent sur des formats plus longs, plus construits, sont restés plus longtemps, ils ont été mieux accueillis .»

Leur présence créé aussi des tensions entre les occupants : « Tu dois à la fois gérer les demandes des journalistes mais aussi les avertissements des copains, qui ne veulent pas qu’on filme leur tente, leur camion, leur plaque de voiture. Mais les deux sont souvent contradictoires ! » lâche Girole. « On n’a pas eu le temps de réaliser ce qui s’est passé qu’il a fallu tout gérer, tout organiser, assumer leur présence, c’est dur, on est épuisé », dit Camille.

Cacatapulte et pommes pourries

Bien sûr, il n’y a pas que des journalistes. La réoccupation de zone du chantier jusqu’ici contrôlée par la police a suscité un fort enthousiasme et des constructions nombreuses, à commencer par le Fort, qui fait la fierté des occupants. « Bientôt on aura des arcs, des flèches et un château ! » s’amuse un Camille. Ici, on regarde, on discute, et surtout on construit, « on bosse plus de douze heures par jour, t’imagines la productivité ? »

Ce vendredi après-midi, l’objet de toutes les attentions est une nouvelle machine qui vient d’être construite mais qui n’est pas encore au point : la cacatapulte. Le ridicule se mêle à l’absurde de l’objet, destiné probablement à lancer au loin un seau de déjections. « En fait c’est un trébuchet, c’est une arme de dissuasion si tu veux, avec ça on les retarde un quart d’heure. » Il s’agit bien évidemment des forces de l’ordre. En accrochant une poêle à frire au bout du balancier, ils parviennent à propulser une pomme pourrie sur une dizaine de mètres en contrebas de la butte.

Applaudissements. « C’est une catapulte faite avec amour pour donner de l’amour » me résume-t-on. Il y a une poésie étrange, à la fois violente et burlesque, dans ce qui se fait ici. « L’important n’est pas tant que cet objet soit utilisé, mais que tant de gens travaillent ensemble pour le construire. » Une cuisine, une tourelle, des tipis, des tentes, c’est un vrai village qui se bâtit jour après jour. Mais à quelles fins ?

« Nous ne sommes pas avides de violence »

Une nouvelle fois reprend le débat sur la légitimité de la violence. Junius prend quelques détours métaphysiques avant de m’expliquer comment il s’est retrouvé dans les affrontements samedi dernier. « Samedi dernier, j’ai aidé une fille à tenir son foulard pendant qu’elle jouait du violon au milieu des affrontements. C’était beau. Ensuite, oui, j’ai agi dans le sens de ce qu’il me semblait le mieux de faire. » Pour lui c’était ramasser les débris et restes de grenades, « mais d’autres ont lancé des projectiles, c’est leur choix ».

Tout le monde ne partage pas ce point de vue. Mario constate que comme ailleurs : « On a tous un certain culte de l’héroïsme, du sacrifice. On pense souvent qu’il faut envoyer des gens au front, pour aider, sans se poser la question de comment aider » mais il ajoute : « Au fond, on ne veut pas de la violence. Regarde, aujourd’hui, tu as ici plein de gens près à aller à l’affrontement si des gendarmes reviennent. Mais ce qu’ils aiment c’est construire, vivre ensemble, inventer, rire. »

Ici, on est d’accord avec l’idée qu’il n’y a pas d’un côté les gentils pacifistes et les méchants violents, mais des réactions diverses en fonction des situations et des histoires personnelles. Interrogé sur l’utilisation de cocktails molotov, Girole me répond en bon artificier : « C’est n’importe quoi. Un vrai cocktail molotov, ça dissout l’acier d’un char. Là, c’est une bouteille avec un peu de pétrole dedans. La plupart du temps, ça te pète à la gueule au moment même d’en préparer. Je ne dis pas que ce n’est pas violent, mais en face ils ont des armures, des boucliers, des extincteurs. » Il poursuit en démentant formellement une rumeur soulevée par des responsables agricoles : « Oui, on a des bidons d’acide, ça fait partie des produits ménagers, on s’en sert pour récurer nos poêles noircies en cuisant sur le feu. Mais jamais on ne les a utilisés en combat, évidemment ! »

Surtout qu’il ne suffit pas d’avoir une arme, même dangereuse, pour savoir s’en servir, explique Fleur Bleue : « On n’a aucun entraînement, aucune compétence de combat sinon la simple colère. L’autre jour j’ai vu des petits jeunes, ils devaient avoir 18 ans à peine, ils voulaient y aller, « on nous a dit de mettre une cagoule ». En fait personne ne leur avait rien dit, ils avaient juste suivi le mouvement. On les a poussé à l’écart pour pas qu’ils soient blessés. » Et de conclure : « Même si j’ai participé à des affrontements, je n’ai jamais mis en danger la vie de quelqu’un d‘autre, je ne peux pas, c’est comme ça. »

C’est finalement la violence d’en face, policière, qui est la plus questionnée. Si les journalistes venus sur place ont récupéré un grand nombre de témoignages directs des violences sur place, peu se sont posé la question de l’origine de celle-ci. Et c’est Mario qui nous donne son appréciation : « Je pense que ce qui a fait qu’il y a eu une volonté d’affrontement samedi, c’était de voir que pour une fois, nous étions nombreux et nous pouvions les faire reculer. » Et reprenant la philosophie de Hannah Arendt, « ce que nous n’avions pas mesuré, c’est que quand l’Etat se sent menacé, il devient encore plus violent, c’est comme ça que nait le fascisme ».

Il est encore un peu tôt pour revenir sur les circonstances exactes de la mort de Rémi Fraisse dimanche dernier, mais elle a peut être à voir avec ça, le monopole de la violence légitime de l’Etat, qui est ici remis en cause, comme la quasi-totalité des normes de la société, l’Etat, la place du média, de l’expertise, de l’élu.

Dimanche se déroule un pique nique, une marche silencieuse de recueillement en hommage à Rémi, sans slogan, média, ni banderole, elle traversera toute la zone et sera suivie d’une action collective pour planter des arbres à sa mémoire. Ici, on en est sûr, la mobilisation ne s’arrêtera pas tant que le projet ne sera pas abandonné. « Ils ne construiront pas un projet sur un cadavr. »

LA POURSUITE DE L’ENQUETE

Conséquence notable de la médiatisation du Testet, les informations inédites se succèdent sur les circonstances de la mort du jeune manifestant le week-end dernier et sur ses conséquences. On sait désormais que la police a changé trois fois de version des faits avant de la livrer publiquement et qu’elle n’ignorait pas dès le départ le contexte d’affrontements. Les premières informations d’analyse sur des fragments du sac à dos de Rémi confirment comme nous l’avaient assuré les proches qu’il n’avait aucun engin explosif dans celui-ci.

Une information judiciaire criminelle contre X a été ouverte par le procureur de la République de Toulouse, Pierre-Yves Couilleau, pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, faits commis par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions ». Le travail de deux juges d’instruction vise à expliquer la mort en elle-même, identifier l’auteur des faits et enfin déterminer s’il y a eu ou non infraction. C’est Me Arié Alimi qui défendra la famille dans l’affaire.

Par ailleurs, Elsa Moulin, une jeune fille réfugiée dans une caravane le 7 octobre dernier, qui avait reçu une grenade qui lui avait explosé dans la main, vient de porter plainte pour « violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par une personne dépositaire d’autorité publique avec usage ou menace d’une arme », a indiqué son avocate Me Claire Dujardin.

Plusieurs responsables politiques ont appelé à la démission du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, ce qui n’a généré qu’un refus net de la part de l’intéressé.

L’usage des grenades offensives, à l’origine de la mort du jeune homme, a été suspendu.

D’autres voix ont demandé à ce que soit créée une commission d’enquête parlementaire sur les violences policières qui ont eu lieu depuis septembre. Mais les voix ont convergé entre EELV, Parti de Gauche, Nouvelle Donne, mais aussi par Delphine Batho, ancienne ministre PS de l’écologie pour « établir un moratoire et arrêter immédiatement ce projet ». Pour l’heure, ils n’ont pas obtenu satisfaction.

[Source : Reporterre]

Journée de reeueillement au Testet hier, moment partagé par plusieurs milliers de personnes et placé sous le signe de la renoncule.

Que va-t’il se passer au Ministère ce mardi ? Voir l’analyse juridique de B. Viguié, avocat des opposants au barrage de Fourrogue : Le problème de Ségolène et des patates chaudes. Nous, on continuera quoiqu’il arrive à construire et à inventer d’autres possibles.

Ce lundi 3 à 14h Rassemblement à Toulouse devant le Tribunal de Grande Instance (Métro Palais de « Justice ») en soutien à 3 camarades – au moins – qui passent en comparution immédiate. SOLIDARITÉ ! ON LÂCHE RIEN !

Plus que jamais d’actualité : Appel à participer à la journée du 22/11, contre les répressions policières. La ZAD du Testet lance également un Appel à une coordination des Zones à Défendre, à diffuser.

Un recensement est ouvert pendant un mois pour nous signaler les amendes et destructions importantes d’effets personnels subies pendant des actions collectives. On réfléchit à mettre en place une caisse de solidarité pour dédommager.

Pour aider la lutte financièrement, nous avons créé une association, les Amis des Bouilles. Voir la page dédiée.

Très important, un appel à témoins pour Rémi a été lancé sur la page Legal. Deux juges d’instructions ainsi que l’inspection générale de la Gendarmerie ont été saisis du dossier pour enquête. La legal team a désormais une adresse email dédiée : legalteam.testet@riseup.net

à lire : Conseils juridiques aux personnes blessées par des flashball, grenades ou autres saloperies (si vous êtes concernés, vous mettre en lien avec la legal team de la ZAD)

Liste de besoins ZAD :

Matos de construction : paille / cartons / manches d’outils / fils barbelés / rateaux / tôles bâches / panneaux rigides / clous et marteaux / chambres à air / élastiques type fitness / fil de fer / visseuse / pied de biche / scie à métaux / ciseaux à bois / perceuse + gros forêts bois / clef à molette / barre à mine / poêle à bois + tuyaux / tronçonneuse / bidons eau / boîte aux lettres / sable / cordes /banderolles /protections (casques, genoux, coudes, masque à gaz)/ torchos

Com / élec / énergie : tél + cartes SIM / clef USB / talkies wlakies / radios /ampoules 12 V à LED / ampoules eco + douille / briquets / piles AA et AAA / groupe électro + carburant / frontales / caméra go pro / bombes peinture

Médic : couvertures survie / kit suture / lingette bébé / maalox dosette

Bouffe : légumineuses/farine /huile /oignons/…

[Source : Tant qu’il y aura des bouilles]

Répression, Mensonge et Manipulation

Communiqué de l’Assemblée en lutte suite à la mort de Rémi Fraisse
Paris, Dimanche 2 novembre

On peut dire que ce dimanche à Paris la répression policière a passé une étape…

Jeudi 30, l’assemblée suite à la mort de Rémi Fraisse ainsi que certaines organisations décident d’appeler à une manifestation le dimanche 2 novembre. Non seulement, la préfecture interdit cette manifestation mais elle descend au petit matin chez les deux personnes ayant déclaré la manifestation pour les impressionner, leur faire peur, les dissuader de continuer à organiser cette mobilisation. Sous la pression policière, les organisations se rétractent.

Le dimanche matin, une centaine de policiers quadrille la ville de Montreuil. Elle contrôle les métros et encercle un lieu d’activités sociales et d’organisation politique. Elle veut empêcher que les tracts et les banderoles arrivent à la manif. A 14h, une vingtaine de personnes sortent du lieu pour se rendre au départ de la manif. Ils sont contraints de cacher les tracts dans leurs pantalons. Ils sont tous arrêtés préventivement. Ils passeront quatre heures au commissariat.

Pendant ce temps-là le 19e, le 20e et le 10e arrondissement sont quadrillés par des milliers de policiers qui contrôlent et fouillent à tours de bras. Malgré cela, plusieurs centaines de personnes bravent l’interdiction et parviennent à former un rassemblement. Quelques tentatives de départ en manifestation échoueront devant l’ampleur du dispositif policier. 140 arrestations ont lieu pour tout et n’importe quoi : distribution de tracts, port d’un casque de vélo… Ce soir à notre connaissance, au moins 18 personnes sont en garde à vue pour entre autre « attroupement non armé en vue de commettre des dégradations ».

On est arrêté et inculpé sur la base de supposition d’intention alors qu’eux viennent de tuer l’un des nôtres ?

Mais la répression ne s’arrête pas là. Le niveau de désinformation et de mensonge produit par le gouvernement et véhiculé par les médias vient couronner le tout. Alors qu’il n’a rien pu se passer à Paris, qu’il était très difficile de se réunir, que la police avait instauré un climat de peur, les articles de journaux parlent de débordements, reprenant tel quel les communiqués de la préfecture sans aucune autre source. En focalisant le débat sur la violence des manifestants, le gouvernement divise le mouvement et occulte la violence initiale, celle qui a tué Rémi, celle de la police qui tue et mutile quotidiennement. Vendredi à Blois, un jeune homme a perdu un œil suite à un tir de flashball. Samedi à Nantes deux personnes ont été grièvement blessées au nez et à l’œil par des tirs de flashball.

Pour que la mobilisation continue, il nous faut sortir de la nasse militaire et médiatique dans laquelle on veut enfermer notre colère.

Soyons nombreux et nombreuses, à venir largement, à l’assemblée générale qui se tiendra ce mardi 4 novembre à la Parole Errante à 19h,
9 rue François Debergue 93100 Montreuil

[Source : mai]

Mathieu Burnel chez Taddei


Mathieu Burnel sur la mort de Rémi Fraisse… par ce-soir-ou-jamais


Mathieu Burnel : "L’insurrection est arrivée… par ce-soir-ou-jamais

Sivens: réaction de EELV suite à la mort de Remi Fraisse

Publié le 26 octobre 2014

Depuis de long mois, de nombreux militants, venus de tous horizons, s’opposent au Barrage du Testet dans la forêt de Sivens dans le Tarn. EELV soutient la démarche depuis le début et s’est toujours associé aux rassemblements de protestation pour faire entendre la voix de la raison aux commanditaires de ce projet.

Hier, 25 octobre 2014, des milliers d’opposants se sont réunis pacifiquement sur le site pour faire entendre à nouveau leurs arguments à quelques jours de la publication du rapport d’experts initié par Ségolène Royal.

Malheureusement, des débordements et des violences entre forces de l’ordre et individus ont eu lieu en marge du rassemblement. Le décès d’un jeune homme de 21 ans, Rémi Fraisse est à déplorer. Rien ne justifie la mort d’un homme. Les écologistes présentent leurs condoléances à sa famille et demandent que la plus grande transparence soit faite sur les causes du décès.

Nous ne pouvons qu’être révoltés devant le déchainement de la violence, de quelque côté qu’il vienne, forces de l’ordre ou perturbateurs patentés. Nous condamnons fermement ces actes et appelons au calme pour les prochains jours.

Demain, 27 octobre 2014, le rapport sera rendu public et nous ne doutons pas qu’il confortera tous les arguments des opposants à ce grand projet inutile. Après la suspension décidée par l’Etat, le chantier doit s’arrêter définitivement.

le 26 Octobre 2014

Emmanuelle COSSE , Secrétaire Nationale EELV

Véronique VINET, Secrétaire EELV Midi-Pyrénées

Guillaume Cros, Président des élu-es EELV au Conseil régional Midi-Pyrénées

EELV pour l’abandon du projet de barrage de Sivens : le dialogue et la démocratie plutôt que la violence

Alors que nous pleurons tous la mort de Rémi Fraisse, le Conseil Général du Tarn doit décider vendredi 31 octobre de l’avenir du projet de barrage de Sivens.

Il serait catastrophique et incompréhensible que le Conseil Général ne prenne pas ses responsabilités en ne validant pas la suspension des travaux du barrage.

EELV réclame toujours l’abandon pur et simple de ce projet inutile mal conçu, coûteux et destructeur pour l’environnement, tel que l’a démontré un rapport d’experts commandé par Mme la Ministre de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie. C’est le seul moyen de permettre l’ouverture d’un débat serein sur les alternatives possibles et partagées par tous les acteurs.

Pour EELV, cet événement tragique illustre l’incapacité de notre pays à débattre correctement et sereinement des grands projets inutiles et imposés et l’incapacité des élus à tenir compte de l’expertise citoyenne mais aussi de nouvelles formes de luttes pacifistes.

Sur ce dossier, les pouvoirs publics engagent des destructions de l’environnement irréversibles pour l’intérêt de quelques uns, contre l’avis de la population et sans attendre que la justice se prononce sur les recours. La stratégie de passage en force place l’ensemble de la société sous tension quand nous bénéficierions tous collectivement de l’apport des arguments contradictoires dans un débat serein et constructif.

Julien Bayou, Sandrine Rousseau, porte-parole nationaux

[Source : eelv]


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