Où l’on reparle de Maintenant, ce journal quinzomadaire paru il y a trente ans, en janvier 1995, en réaction au silence général de la presse sur les responsabilités françaises dans la mise en place et l’exécution du génocide des Tutsi. Trente ans plus tard, on a vu successivement Mission d’information parlementaire, en 1998, puis Commission d’enquête citoyenne, en 2004, et enfin une commission d’historiens officielle, dite Duclert, qui a enfin reconnu « les responsabilités accablantes » qu’on dénonçait déjà il y a trente ans. Maintenant était une exception dans le paysage, les médias institutionnels affichant une prudente réserve. Une réserve qui est toujours d’actualité d’ailleurs, si on considère que la commission Duclert a pu oser une conclusion telle que « responsable mais pas coupable » sans que cela fasse scandale…
Ce problème d’une presse trop docile dépassait bien sûr la question du Rwanda, hier comme aujourd’hui. Maintenant révèlera alors l’existence des zapatistes au Mexique, dont la presse mondiale avait à peine fait mention, ignorant l’originalité de ce mouvement guérillero pas comme les autres. Maintenant dénoncera Total en Birmanie, en soutien de la pire des dictatures, ce qui finira par faire scandale seulement récemment – et Total s’est enfin retiré après trente ans de soutien sans faille au régime militaire birman. Maintenant avait aussi révélé le scandale des HLM de complaisance octroyés à des notables par la ville de Paris, une affaire dont on entendra beaucoup parler ensuite. On se souvient aussi de dossiers assez nourris sur l’Opus dei et des réseaux catholiques intégristes, comme de bien d’autres choses. Maintenant peut aussi s’enorgueillir d’avoir déballé le témoignage d’Ali Bourequat, rescapé des prisons de Hassan II. Un témoignage significativement peu repris dans la presse. Ali Bourequat mettait en cause le ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua, et le groupe Pernod-Ricard, entre autres, éclairant les dessous de la French connection, en même temps qu’il donnait une version détaillée de la mort de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka qu’il tenait de première main, ayant passé des années dans les bagnes secrets de Hassan, en compagnie des truands (français) qui avaient fait le coup (avec la bénédiction des services gaullistes).
Riche en contenu, Maintenant était aussi éclatant de couleurs, mis en page et illustré par Kiki et la bande de Bazooka qui avait sévit dans Libé puis Un Regard moderne, à la fin des années 1970. Les double-pages étaient souvent splendides comme des tableaux, et les couvertures ou les affiches plutôt pétantes, mais malgré une brève percée, le boycott général de la presse et une distribution très entravée feront qu’on réduise rapidement l’ambition, passant en rythme mensuel dès le numéro 5, et l’insuccès se confirmant, dès le dixième numéro c’en était fini du tout couleur pour passer en bichromie, une formule globalement bien plus pauvre (quoique toujours riche en contenu et quand même agréable, plus facile à lire, disait-on) qui continuera jusqu’à son quinzième numéro, avant qu’on doive renoncer à la distribution chez les marchands de journaux.
Il restait de cette aventure un millier d’abonnés qui recevront pendant les années suivantes, jusqu’en 1999, Maintenant, la lettre, publication en noir et blanc, format A4 broché sortie de photocopieuse, à périodicité et pagination très variable.
Nous aurons animé entretemps, pendant des années aussi, un site aujourd’hui englouti, Paris s’éveille, ainsi que Le Quotidien des sans-papiers dont les articles ont été conservés.*
Il est question aujourd’hui de mettre en ligne tous ces contenus, textes et images, et que cela constitue une banque de données, intitulée « hier » dans le projet dessiné par notre amie Agathe, Maintenant restant le journal de « maintenant », auquel nous contribuerons régulièrement pour tenter d’éclairer l’actualité, avec presque un sentiment d’urgence, car c’est bien maintenant ou jamais que nos boussoles doivent s’affiner pour cheminer dans un monde particulièrement instable.
Ce nouveau Maintenant online, se veut journal des révolutions du monde, à la recherche de l’espoir partout où les citoyens se soulèvent pour mettre un terme à l’ordre ancien trop souvent criminel et globalement suicidaire qu’il faut dénoncer et décrire inlassablement.
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Pour faire ce travail, il y a bien sûr besoin d’argent, d’abord pour payer Agathe et le serveur, ensuite pour développer ce Maintenant d’aujourd’hui, afin de tenter d’en faire un vrai media, avec une diffusion cette fois virtuelle mais qu’on espère plus réelle, par tous les réseaux sociaux et sur internet de manière générale.
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Notre objectif financier est à la fois modeste (un peu, c’est toujours mieux que rien) et ambitieux, si on parle de financer réellement un média libre, avec des collaborateurs dans le monde entier, pourquoi pas ? Au mieux, on aurait là l’embryon d’une agence de presse dont la vocation serait de recueillir partout où c’est possible le point de vue citoyen, militant, très rigoureux quant à l’information, mais non moins engagé pour dire ce qui est par-delà toutes les censures ou indifférences.
Selon le succès de cette collecte, on pourra envisager des mises à jour hebdomadaires ou quotidiennes du site, pour rendre compte des catastrophes en cours comme de toutes les initiatives populaires qui tentent, souvent dans la douleur, de freiner le cours de la folie universelle.
Quelles sont les contreparties ?
Il se trouve qu’il reste toujours, trente ans après, des stocks d’invendus de ce Maintenant flamboyant d’antan – difficile d’avoir collection complète, mais il reste des premiers 9 numéros tout en couleur, comme de la version en bichro qui a suivi, comme de Maintenant la lettre. Pour commencer, cela semble la meilleure des « contreparties » possibles. Maintenant, le journal qui plonge dans le passé comme dans le futur…
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