Communiqué des Amis du CSCF
Indignation
Les Amis du CSCF sont indignés de la subite décision du procureur de Tours concernant Dominique Broc, coordinateur et porte parole de cannabis Social Clubs Français.
Pourquoi cette mise en garde à vue, cette saisie de plantes, de matériel y compris de son ordinateur personnel et de son téléphone ?
Il y a belle lurette qu’il aurait pu, voire dû intervenir, pour soutenir les lois prohibitionnistes dont soudainement il semble se faire le champion.
Dominique Broc n’a jamais cherché à faire mystère de ses activités. Partisan de la transparence, il ne s’est jamais réfugié dans les troisièmes sous sols pour cultiver. Les gendarmes locaux, la DCRI n’ignoraient pas qu’il défendait une auto-production responsable solidaire et raisonnée afin de combattre les trafics et d’affirmer une volonté de ne pas participer aux ravages de la prohibition.
Alors pourquoi cette soudaine réaction hyper légaliste ?
Nous ne pouvons pas ne pas y voir un lien avec la proximité du 4 Mars, jour où la fédération des CSCF va déposer ses statuts à la préfecture de Tours. Mais cela ne peut justifier en rien cette étonnante et hâtive interpellation d’une personne qui devait rentrer à l’hôpital pour des examens nécessaires à sa santé.
Les Amis du CSCF réprouvent cette réaction violente, engendrée par le souci frileux de s’inscrire dans la voie tracée par quarante ans d’inefficaces répressions. Ce qui est unanimement constaté actuellement par tous les pays du monde.
Ils dénoncent donc et réprouvent totalement ce réveil tardif tributaire d’une logique pensant peu mais bien, qui ne démontre qu’une volonté stérile d’intimidation brutale et coléreuse.
Les CSC relèvent d’une forme pacifique de désobéissance civile, de celle prônée pour faire reconnaître les droits qui semblent juste de revendiquer. L’Histoire donne d’ailleurs généralement raison à ce type de militance.
Les CSC sont des îlots composés d’adultes réfléchis, sérieux, conscients de leurs devoirs, qui pour des raisons diverses estiment que c’est leur liberté, qui n’attente en aucune manière à autrui, de pouvoir consommer du cannabis, de manière récréative ou thérapeutique, à l’abri des excès de toutes sortes. Ces clubs n’offensent en rien la société. Ils se soustraient au trafic, dont bizarrement on n’arrive jamais à coincer les premiers échelons, et défendent une prévention réaliste, basée sur l’information. Le procureur de Tous paraît préférer les incantations.
Les Amis du CSCF soutiennent Dominique Broc devenu malgré lui le bouc émissaire d’une prohibition obsolète que le bon sens devrait mettre rapidement en débat public, surtout pendant cette ère de changements annoncés. Ils sont à ses côtés et continueront de s’efforcer de promouvoir une possibilité de mettre en place une alternative aux dégâts de toutes sortes qu’entraîne une politique qui a largement démontré ses limites impuissantes.
Les amis du CSCF
[Source : les amis du CSCF]
Libération
La police cueille la tête des pro-marijuana
Dominique Broc, leader des Cannabis Social Clubs, a été gardé à vue durant vingt-sept heures.
La réponse des autorités ne s’est pas fait attendre… Alors que nous annoncions le week-end dernier dans Libération que la Fédération des Cannabis Social Clubs (CSC) français, ces coopératives d’autoproducteurs, allait déposer ses statuts en préfecture le 4 mars, son leader, Dominique Broc a été interpellé jeudi à 7 h 50. La police s’est présentée à son domicile d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), a détruit les plans de cannabis, et a saisi l’ensemble du dispositif de culture. Signe que les autorités ne désirent pas en rester là, la police s’est emparée du téléphone portable et du matériel informatique de Dominique Broc.
A l’intérieur, un listing inventorie l’ensemble des CSC de France et comporte le nom des adhérents. C’est donc tout le mouvement qui semble dans le viseur du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Relâché vendredi, après vingt-sept heures de garde à vue, Broc comparaîtra le 8 avril devant le tribunal correctionnel pour «détention et usage de stupéfiants». Se considérant comme désobéisseurs civils, les membres des CSC ont toujours clamé qu’ils se dénonceraient tous si, d’aventure, l’un d’entre eux était inquiété par les autorités.
C’est désormais le moment de le faire. Sauf que pour l’instant, aucun autre membre ne s’est dénoncé. Toutefois, un communiqué circule dans la communauté indiquant «que des démarches vont être entamées pour que Dominique Broc récupère son matériel et ne supporte pas seul les conséquences de la répression policière». Reste à savoir si la fédération des CSC ira se déclarer en préfecture le 4 mars comme prévu.
Leader d’un CSC basé à Evry (Essonne), le fief de Manuel Valls, Farid Ghéhiouèche, est très remonté : «L’initiative entreprise par Dominique Broc avec la constitution du Cannabis Social Clubs français visait à démontrer qu’une évolution du cadre de la loi est possible. Il n’en est rien, la même logique gouvernementale perdure… dénonce-t-il. Mais elle n’entame pas la détermination des usagers du cannabis qui le cultivent pour ne plus recourir aux produits frelatés que l’on trouve au marché noir. Cette démarche d’adultes responsables réclamant d’être protégés, à terme, par les autorités, est aujourd’hui mise à mal. Nous dénonçons vivement cette attaque.» Contacté vendredi en fin d’après-midi, le ministère de l’Intérieur n’a souhaité faire aucun commentaire.
[Source : Libération]
Vendredi 22 février 2013, communiqué de CSF :
Le pouvoir politique français montre son vrai visage.
Dominique Broc, le coordinateur national des Cannabis Social Clubs Français vient de sortir de sa garde-a-vue, ce vendredi 22 février 2013. Alors qu’il devait être hospitalisé hier matin pour une série d’examens importants, les forces de l’ordre sont intervenues à son domicile jeudi 21 février à 7h50 pour l’interpeller et saisir les plantes de cannabis ainsi que le matériel de culture du Cannabis Social Club dont il est membre.
Comme pour lui signifier qu’il commettait de graves infractions, la police a également saisi son matériel informatique et son téléphone portable, ses outils indispensables pour assurer la coordination nationale du mouvement des Cannabis Social Clubs Français.
Le pouvoir politique a-t-il peur ? De quoi exactement ?
En faisant cette démonstration de force, le gouvernement Valls – Ayrault – Hollande montre son vrai visage, celui de l’intolérance et de la répression bête et méchante…
Le pouvoir fait une erreur grave en s’attaquant à Dominique Broc, parce que cela concerne aussi les membres de son Cannabis Social Club, et plus largement l’ensemble du mouvement des Cannabis Social Clubs Français.
Car nous ne nous attendons pas à ce que nos décideurs politiques reconnaissent une erreur d’appréciation en agissant de la sorte.
L’initiative entreprise par Dominique Broc avec la constitution de Cannabis Social Clubs Français visait à démontrer qu’une évolution du cadre de la loi est possible.
Il n’en est rien, la même logique perdure… Mais elle n’entame pas la détermination des usagers du cannabis qui le cultivent pour ne plus recourir aux produits frelatés que l’on trouve au marché noir.
Cette démarche d’adultes responsables réclamant d’être protéger -à terme- par les autorités est aujourd’hui mise à mal. Nous dénonçons vivement cette attaque qui vise à décapiter notre mouvement, peut-être aussi pour démotiver certains éléments à quelques jours de la déclaration en préfecture de l’association fédérative des Cannabis Social Clubs Français.
Si le pouvoir politique voulait donner le bâton pour se faire battre, il ne s’y serait pas pris autrement : c’est maintenant au peuple de l’herbe en France, au mouvement anti-prohibitionniste français de démontrer qu’il n’y aura pas de procès au Tribunal correctionnel le 8 avril prochain, mais que c’est bel et bien une « association de criminels en bande organisée » qu’il faut poursuivre près la cour d’Assises pour que la loi s’applique vraiment.
Dans les prochaines heures, nous indiquerons les démarches que nous allons entamer pour que Dominique Broc récupère son matériel, et ne supporte pas seul les conséquences de la répression policière.
[Source : Cannabis sans frontières]
Libération
Les Cannabis Social Clubs forcent la loi
Les 425 clubs de producteurs de cannabis prônent un usage maîtrisé et, pour défier le gouvernement, vont déposer leurs statuts en préfecture.
Ils sont chefs d’entreprises, éducateurs spécialisés, universitaires, produisent eux-mêmes le cannabis qu’ils fument, et entendent «renverser la prohibition». De la marijuana, ils prônent un usage modéré et régulé sans en nier les dangers, surtout pour les jeunes. Pour ce faire, ils ont copié un modèle qui existe depuis vingt ans en Espagne (lire page 4) : le Cannabis Social Club (CSC). Associations officieuses à but non lucratif, on compterait 425 CSC sur l’ensemble du territoire français.
Le principe est simple : on paie les charges de l’installation au prorata de sa consommation, et on met la main à la pâte pour faire tourner la plantation. Selon Dominique Broc, le leader du mouvement en France, le phénomène implique aujourd’hui entre 5 000 et 5 700 consommateurs. «Quand, j’ai lancé le premier CSC français, en 2009, nous n’étions qu’une poignée. Désormais, il ne se passe pas un jour sans que je reçoive des appels de personnes voulant adhérer. Je suis complètement débordé», concède-t-il. De l’encadrement dépend pourtant la réussite de l’opération.
Les CSC affichent un règlement intérieur précis afin qu’aucun membre ne tombe dans la vente sous le manteau et ne décrédibilise, de ce fait, l’ensemble du mouvement. «Je veille à ce que les clubs n’excèdent jamais les 20 membres. Les recrutements se font uniquement par cooptation, prévient Dominique Broc. Les CSC doivent rester cantonnés à des cercles d’amis ou de connaissances. Tout repose sur la confiance.» Et la solidarité. Les adhérents des CSC se considèrent comme «des désobéisseurs civils». Si l’un d’eux venait à se faire pincer par les autorités, tous demanderaient à être jugés en tant que producteurs de stupéfiants en bande organisée par la cour d’assises spéciale prévue à cet effet. Les risques ? Ils sont stipulés par l’article 222-35 du code pénal : trente ans de réclusion criminelle et 750 000 euros d’amende. Mais cette perspective n’inquiète pas Dominique Broc. Il invoque d’abord une décision-cadre de l’UE, datant d’octobre 2004. Celle-ci affirme que «les Etats membres garantissent que la culture de plantes de cannabis, effectuée illégalement, est un délit punissable». Mais un autre article, le 2.2, précise que «ne sont pas inclus dans le champ d’application les auteurs qui s’y livrent exclusivement à des fins de consommation personnelle telle que définie par la législation nationale». En France, on pourra cependant leur objecter qu’aucune consommation personnelle n’est tolérée.
Néanmoins, Dominique Broc estime qu’une répression «serait intenable politiquement pour le gouvernement». Pour trois raisons : «D’abord, parce qu’il y a, au sein même de la majorité, de nombreux partisans de la dépénalisation. Ensuite, parce que nous cultivons nous-mêmes du cannabis pour ne pas recourir au marché noir, car le produit que l’on y glane est bien souvent coupé au plomb ou au verre pilé, ce qui est très dangereux pour la santé. Enfin, parce que l’objectif des CSC n’est pas l’incitatif. Nous comptons peser dans le débat sur la prévention et la réduction des risques.»
Désireux de sortir définitivement du bois, Dominique Broc ira déposer les statuts de la Fédération des Cannabis Social Clubs Français (FCSCF) le 4 mars, à la préfecture de Tours. Si aucune réponse policière n’intervient, il considérera qu’il s’agit d’une tolérance tacite et tous les CSC de France feront la même démarche le 25 mars. «Il faut en finir avec l’hypocrisie française sur le cannabis. On a une législation totalement ringarde en la matière. Il y a quelques mois, Vincent Peillon s’est fait tancer pour n’avoir voulu que rouvrir un débat légitime. Regardez à côté, les ravages causés par l’alcool… Fumer ne mène pas obligatoirement à la désocialisation», plaide Broc, sécateur en main.
Dans sa maison, près de Tours, toute une pièce est dédiée à la plantation. Les lampes à sodium sont cadencées par des minuteurs qui se déclenchent à heure fixe. Les plantes ont besoin de douze heures «d’ensoleillement quotidien». Entre midi et deux, David, l’un des historiques, vient récupérer son pochon d’herbe. Chauffeur de taxi, il ne fume que le week-end : «Je convoie des clients, alors pas question de déconner la semaine. Le but du CSC, c’est de montrer qu’on peut consommer du cannabis et avoir une vie normale.»
Dans leur club, il y a aussi Séverine, 44 ans. Souffrant de spasmes musculaires, elle s’est mise au cannabis par nécessité, à 30 ans passés. «La France est à la bourre sur l’usage médical de la plante. Aux Etats-Unis, le marché du cannabis thérapeutique représente 2 milliards de dollars. Ça n’en fait pas un pays de dépravés», ironise Broc.
Au CSC tourangeau, on milite aussi pour la fin du pétard traditionnel. Le bon vieux «splif» aurait vécu. Place désormais aux vaporisateurs qui permettent de n’inhaler que les émanations de cannabis. «Comme ça, on rompt avec la dépendance au tabac et on ne pâtit pas des effets de la combustion. Les modes de consommation évoluent positivement, dommage que les clichés sur les fumeurs de cannabis réputés apathiques aient la vie dure, regrette Dominique Broc. C’est toute une génération [lire ci-contre] qui vit désormais avec le cannabis.»
[Source : Libération]
Libération
Dominique Broc, très en pétard contre le marché noir
16 février 2013
Le chef de file des Cannabis Social Clubs français est «révulsé de filer du fric à des mafias» et prône une agriculture «ultrabio».
Dans le salon du leader du plus puissant mouvement antiprohibition français, il y a plein de jouets d’enfants. Dominique Broc en a deux, mais ils vivent avec leur mère. Hormis une discrète affiche annonçant «l’appel du 18 joint», la grande manifestation annuelle des accros au pétard, rien ne laisse deviner que l’on se trouve dans la plantation de cannabis la plus célèbre de France.
A 44 ans, ce jardinier (ça tombe bien !) n’a presque plus le temps d’élaguer les cimes de la campagne tourangelle. La popularité incongrue des Cannabis Social Clubs le dépasse. «Les gens attendent de moi des informations sur le cannabis et sa consommation. Je me rends compte que la prévention ne marche absolument pas. La France n’est pas prête pour une légalisation éventuelle, c’est une certitude», murmure-t-il.
Broc est l’antithèse du fumeur loufoque et apathique. S’il concède consommer du cannabis «pour l’aspect récréatif», il avoue que la plante agit sur lui «comme une béquille sociale» : «Je suis assez réservé et parfois mélancolique. Le cannabis m’aide à me détendre. Si je ne fumais pas, peut-être que j’avalerais du Lexomil. Je ne suis pas sûr que ce soit mieux.»
Son premier joint, il l’a fumé «bien trop tôt», à 12 ans. A l’époque, ça ne lui a pas trop plu. Il ne s’y est remis que vers 19 avec deux commandements : réguler sa conso et ne jamais alimenter le marché noir. «Je ne sais pas pourquoi mais j’ai toujours été super radical sur cette question. Ça me fait chier, pire même, ça me révulse de filer du fric à des mafias. Je veux savoir ce que je fume. En la faisant pousser, au moins je sais qu’elle est ultrabio.»
L’autoculture, il ne s’y est pourtant lancé que sur le tard. Un tantinet naïf, il s’est fait pincer en 1992 à la frontière franco-belge avec 3 kilos d’herbe : «Je revenais d’Amsterdam. J’y allais tous les trois mois pour acheter 700 grammes. Cette fois-là, ma boîte venait de couler et j’avais touché des indemnités. Alors, plutôt que de faire mes 1 500 bornes sans arrêt, je me suis dit que j’allais acheter ma consommation annuelle d’un coup.» A l’audience, il espère attendrir la proc en lui sortant sa marotte sur le trafic illicite de stups. «Elle m’a brisé les jambes en me disant : « Mais Monsieur Broc, vous croyez quoi ? L’argent que vous dépensez aux Pays-Bas tombe de la même façon dans les poches des mafias que vous dénoncez. » Je me suis senti complètement idiot.»
Broc prend 18 mois ferme. Un jour, un maton lui tend un Polaroid. «C’était la photo de mon fils, il venait de naître et moi j’étais en taule. Je me suis juré que jamais plus je ne tomberais pour ce type de connerie.»
Chétif, des airs de Richard Bohringer, Dominique Broc est un leader respecté au sein du mouvement des CSC, pour «sa pondération, la solidité de son argumentaire et sa sensibilité pour la prévention des risques». C’est lui qui a mis au point le règlement intérieur très strict. Militant libertaire, fan de rap français – de Scalpel en particulier –, il n’est pourtant pas rétif à un «encadrement sécuritaire des CSC. Si le gouvernement tolère le modèle et veut l’encadrer. J’y serai totalement favorable.»
[Source : Libération]
Libération
L’Espagne tolère, mais Madrid reste colère
Berceau des Cannabis Social Clubs, le pays a un peu assoupli sa législation.
Les Cannabis Social Clubs (CSC) ont vu le jour en Espagne, il y a vingt ans, de façon artisanale. Ils se sont développés depuis 2002 et sont plus ou moins tolérés tant qu’ils restent dans un cadre privé, autour d’un principe simple : l’accès à ces associations à but non lucratif est restreint à leurs membres, tous majeurs.
Ils ne vendent pas leur production à l’extérieur, et s’excluent ainsi du marché noir illégal. Autre avantage : ils contrôlent la qualité de ce qu’ils consomment. Leur activité n’est pas légale mais profite d’une sorte de «zone grise» dans la législation espagnole, où la détention d’une faible quantité à usage personnel n’est pas pénalement poursuivie. «Mais parfois, la police intervient et coupe les plants, notamment quand quelqu’un se plaint», explique un Catalan. On compterait, selon ce spécialiste, environ 500 CSC en Espagne, dont 200 en Catalogne et une centaine au Pays basque.
Depuis quelques années, une forme plus commerciale apparaît, tendant à les rapprocher des coffee-shops hollandais. Un club de Barcelone, qui revendique 5 000 membres, a ainsi proposé à une petite commune de Catalogne, Rasquera, de lui louer 7 hectares de terres agricoles pour y cultiver de l’herbe. En avril, la commune, qui y a vu une solution pour résorber sa dette, a accepté par référendum et avec 56% de voix favorables. Mais le projet est suspendu après l’intervention du parquet espagnol qui a saisi la justice.
Car la question de la légalité des CSC reste entière. Les parlements régionaux de Catalogne et du Pays basque réfléchissent à un cadre permettant de réguler leur activité. Deux professeurs de droit de l’université de Málaga proposent un statut spécifique les rapprochant d’une coopérative. Mais les régions n’ont pas entièrement la main sur ce sujet, car ce qui touche aux stups reste du ressort de la loi nationale, et Madrid ne voit pas forcément cela d’un bon œil.
[Source : Libération]
Libération
Les politiques restent accros à la répression
Très loin d’envisager une plus grande tolérance, comme aux Pays-Bas, l’Etat entretient le tabou.
Le pari des cannabis social clubs (CSC) consiste à mettre les dirigeants devant le fait accompli, sur le thème : puisque les Etats ne veulent pas modifier leur politique, changeons-la nous-mêmes, au niveau local. La méthode, qui offre une voie de sortie au sempiternel débat prohibition-légalisation, a marché aux Pays-Bas.
Dans les années 70, des vendeurs de cannabis officiant depuis leur domicile ont été tolérés par les autorités car, avec eux, le trafic quittait la rue, ce qui réduisait les nuisances publiques. Puis ces «house dealers» ont ouvert des bars sans autorisation légale. Là encore, la tolérance a prévalu, car ces coffee-shops permettent de séparer le marché du cannabis de celui des drogues plus dures. Et grâce à eux, la moitié des transactions autour du cannabis sont sorties du marché noir. La société y a gagné, et depuis plus de trente-cinq ans, les coffee-shops sont encadrés par des règles strictes (pas de publicité, pas de drogues autres que le cannabis, pas de vente aux mineurs, 5 grammes maximum). Les Pays-Bas n’ont pas légalisé le cannabis pour autant. Il y a juste une zone grise dans laquelle les CSC cherchent aujourd’hui à se glisser.
Seul hic, la France est loin du pragmatisme néerlandais. Le président a beau s’appeler Hollande, la gauche n’a pas l’intention de changer de politique, après quarante ans d’immobilisme. La seule timide (mais valeureuse) avancée concerne les drogues plus dures : le gouvernement vient d’autoriser l’expérimentation d’une salle d’injection supervisée, improprement appelée «salle de shoot», à Paris. Mais au-delà, pour un produit de masse comme le cannabis, consommé de façon régulière par 1,2 million de Français (4 millions si on compte les usagers occasionnels), le gouvernement n’a d’autre réponse que la répression.
Cette réponse, Sylvie Moisson, procureure de la République de Bobigny, l’a détaillée dans Libération le 8 février, expliquant comment cela fonctionne désormais dans la zone de sécurité prioritaire (ZSP) de Saint-Ouen, où le trafic pourrit la vie des habitants : «Si les douaniers interpellent quelqu’un qui est porteur même d’une toute petite quantité de stupéfiants, ils ont la possibilité, avec l’accord du parquet, de faire payer immédiatement cette personne.» De septembre à décembre 2012, 100 «transactions douanières» ont été réalisées pour un total de 17 640 euros. Autre méthode à Marseille, à la cité Bassens, «drive-in» du shit : les policiers dépistent les acheteurs. S’ils ont fumé dans les jours précédents, ils laissent leur véhicule sur place. Ce harcèlement doit les dégoûter de venir acheter leur barrette. «Le trafic de stupéfiants est un marché […], précise la procureure de Bobigny. Donc, nous nous attaquons au marché.»
Ces actions peuvent paraître utiles en terme de politique de la ville, afin de délivrer ces quartiers, mais on connaît leur résultat dans la lutte contre les stupéfiants : nul. Elles n’ont qu’un effet, déplacer le trafic. Les dealers des cités proches se frottent les mains, ils vont récupérer des clients. De plus, ces opérations nécessitent une mobilisation policière massive et les effectifs sont trop faibles pour qu’elles s’inscrivent dans la durée.
Comparés aux dépenses engagées, les 17 640 euros de Saint-Ouen représentent une peccadille. Harceler les usagers est inefficace. Sous Sarkozy, la méthode a été tentée. On a notamment doublé le nombre d’arrestations pour usage de cannabis : 140 000 interpellations par an environ. Résultat ? Nul, toujours. Notamment parce qu’interdit et niveaux de consommation ne sont pas liés.
Malgré une des législations les plus répressives, les jeunes Français (15-24 ans) sont champions d’Europe de la consommation. Aux Pays-Bas, beaucoup plus tolérants, il y a, en proportion de la population, moitié moins de fumeurs. Une explication ? En Hollande, on privilégie la prévention ; en France, on la délaisse.
Peu d’élus acceptent de regarder cette réalité en face. En octobre, Vincent Peillon avait estimé que «la question se posait» de rouvrir le débat sur la dépénalisation du cannabis, afin de lutter différemment contre le trafic. Le ministre de l’Education s’étonnait «du côté un peu retardataire de la France» et relevait que «les résultats ne sont pas très efficaces» . Il disait la vérité, mais Matignon a mis le holà dès le lendemain : «Le Premier ministre et M. Peillon se sont parlé au téléphone […], il n’y aura pas de dépénalisation du cannabis.»
En 2006, le PS avait pourtant inclus dans son programme une «régulation» du cannabis par l’Etat, ce qui était autrement révolutionnaire, puisque revenant à créer une Régie du cannabis. Mais le PS avait vite enterré cette proposition. Une initiative plus modeste arrive ces jours-ci, via la Conférence de consensus sur la prévention de la récidive lancée par Taubira : réprimer l’usage d’une simple amende, afin de désengorger les tribunaux, où les infractions sur les stups ont représenté 8,5% des condamnations en correctionnelle, en 2010. Pas sûr que le PS la soutienne, car la gauche a toujours peur de passer pour irresponsable et laxiste. Mais si on poursuit moins les usagers de cannabis, la consommation va-t-elle s’accroître ? Le Portugal a dépénalisé en 2001, sans constater d’augmentation.
[Source : Libération]
Libération
Débattre
Combien de milliards de joints ont été fumés depuis l’appel historique du 18 joint publié par notre journal en 1976 et demandant déjà «la dépénalisation du cannabis» ?
Par deux fois depuis, la gauche est arrivée au pouvoir et la fumette continue dans une illégalité aussi inefficace qu’hypocrite.
On estime qu’environ 4 millions de Français consomment du cannabis, notamment les plus jeunes : un record en Europe, malgré une politique qui se veut et se dit tout-répressive. Que le ministre de l’Intérieur s’appelle Valls ou Sarkozy.
Les Cannabis Social Clubs, inventés en Espagne et acclimatés en France, vont tenter très publiquement de défier cet interdit, au plus près de la société telle qu’elle est. On peut deviner la réponse du gouvernement.
Vincent Peillon qui demandait que le débat sur la dépénalisation fût ouvert a été méchamment taclé par son Premier ministre, qui croit plus aux sondages qu’au courage en politique.
Il est évident que la dépénalisation du cannabis n’est pas une solution holistique et miraculeuse, comme le disent un peu facilement ses zélotes. Le cannabis est aussi une substance pathogène notamment pour les plus jeunes, qui ne savent pas mieux en doser l’usage que celui de l’alcool ou du tabac.
Mais, la pédagogie et la prévention restent plus productives que l’interdiction et la répression. La gauche sortirait grandie d’accepter au moins d’en débattre.
[Source : Libération]
Esther BenbassaSénatrice EELV du Val-de-Marne, Directrice d’études à l’EPHE (Sorbonne)
Cannabis: vers une légalisation contrôlée ?
25/02/2013
Deux ministres de l’actuel gouvernement, Cécile Duflot et Vincent Peillon, se sont déjà exprimés en faveur d’une légalisation ou d’une dépénalisation du cannabis. La première s’est ce faisant inscrite dans la droite ligne des revendications d’Europe Ecologie-Les Verts. Mais avant ces deux-là, qui ont été vite rappelés à l’ordre, c’est un socialiste, ancien ministre de l’Intérieur, Daniel Vaillant, qui s’était lui-même prononcé pour la dépénalisation.
Une société très morale… et très consommatrice
Cela dit, après avoir reculé sur le droit de vote des étrangers et sur le contrôle au faciès, après avoir peiné sur le mariage pour tous, après avoir repoussé aux calendes grecques la procréation médicalement assistée, on voit mal notre exécutif rouvrir une polémique sur un thème aussi brûlant, aussi « fumeux » diraient certains, pas très « moral » en tout cas, aux yeux d’une société aux idées globalement conservatrices.
Une société qui, nolens volens, n’en compte pourtant pas moins de 4 à 7 millions d’usagers, contre 800 000 dans un passé récent. 550 000 seraient même des usagers quotidiens. Face à quoi la seule politique publique a été celle d’une surenchère répressive, qui n’a pas contribué à la diminution du nombre de consommateurs, tout au contraire. Ni à celle des trafics.
Les coûts multiples de la surenchère répressive
Car si nos gouvernements, aussi bien de gauche que de droite, n’ont pas réussi à contrôler la consommation, ils n’ont pas davantage réussi à enrayer le développement de l’économie alternative mafieuse engendrée par la production et la vente illégales. Lorsqu’on sait que la production d’un kilo de cannabis revient à 1 000 euros et que le gramme est vendu entre 4 et 10 euros, on évalue aisément l’enjeu économique de ce trafic. Et l’Etat, dans cette affaire, est bien le grand perdant puisqu’il ne touche rien, par voie d’impôts ou de taxes, ni de la production ni de la vente des drogues illicites, tandis que la dépense publique liée à leur consommation, elle, s’élève à plus de 1 000 millions d’euros par an, dont une bonne partie directement liée à sa judiciarisation.
On ne dira rien de bien nouveau en rappelant que la prohibition, comme celle de l’alcool aux Etats-Unis dans les années 1920, crée d’abord des trafics en tous genres et induit des violences que la police échoue à contrecarrer. Et on n’apprendra rien à personne en signalant que la qualité du cannabis consommé clandestinement comporte des risques de santé publique graves et eux-mêmes coûteux pour la collectivité. Mais il faut bien y insister : la jeunesse est aujourd’hui la catégorie la plus exposée à cette consommation sauvage qui touche les écoles et les quartiers et met les adolescents en relation directe avec les réseaux.
Au-delà du tout répressif
A bien considérer toutes ces données, il ne paraît pas illégitime, loin s’en faut, de se poser la question d’une éventuelle légalisation contrôlée du cannabis, laquelle inclurait une déjudiciarisation de son usage. Est-ce à dire, comment certains se plaisent à le faire croire pour faire peur, que tout le monde pourrait tout à coup consommer, en tous lieux, à tout moment, à tout âge et en quelque quantité que ce soit, drogues douces et drogues dures ? Sûrement pas. Reste que ce fantasme de totale dissolution sociale, s’il sert les intérêts de la « morale » ordinaire, vise d’abord à empêcher toute réflexion collective sérieuse sur une question qui interpelle chacun de nous.
On n’a pas besoin d’être soi-même consommateur pour s’interroger sur les moyens de mieux contrôler la production, la vente et la consommation du cannabis, et de faire de l’Etat, en ce domaine, un acteur responsable et pas seulement répressif, associant à la légalisation contrôlée une politique réellement efficace de prévention et d’éducation, cette combinaison étant sans doute seule capable de nous protéger des dérives que nous constatons aujourd’hui, avec le passage du cannabis aux drogues dures.
Rappelons qu’il s’agit ici de la légalisation contrôlée et de la dépénalisation du seul cannabis. Et certes pas de toutes les drogues. Actuellement, l’augmentation de la délinquance et de la criminalité liées au trafic de drogue est une préoccupation constante des pouvoirs publics. Or, à la différence du tout répressif – qui s’attaque aux petits vendeurs et ne porte aucun coup décisif aux réseaux mafieux qui tiennent les rênes du trafic -, cette légalisation contrôlée et la dépénalisation qui lui serait associée auraient pour effet positifs majeurs d’asphyxier ces réseaux eux-mêmes, de soustraire le consommateur aux dangers impliqués par la clandestinité et de permettre une meilleure protection de la santé publique.
Réglementer, taxer, protéger et soigner
En omettant de l’encadrer, les Pays-Bas ont fait entrer les organisations criminelles dans la production du cannabis, ainsi que dans l’importation et la distribution dans un marché aux règles floues. Or il est possible à la fois de réglementer l’autoproduction et d’attribuer la production à des cultivateurs agréés. La création d’un éventuel monopole étatique de la production et de la distribution du cannabis est aussi une option qui mérite réflexion. Un tel monopole aurait également comme obligation de consacrer une partie de ses revenus au financement de campagnes de prévention appelant à la modération.
En cette période d’austérité, cette légalisation contrôlée serait susceptible de créer 20 000 emplois et de susciter au moins 1 milliard d’euros de taxes qui iraient alimenter les caisses de l’Etat. Cela non plus n’est pas négligeable. L’instauration de débits de cannabis à emporter ainsi que de lieux de consommation dont les licences seraient délivrées par l’Etat peut être clairement envisagée. On appliquerait évidemment là aux mineurs des règles comparables à celles qui encadrent la distribution de l’alcool. La consommation dans les lieux et les transports publics serait interdite. Et au nom de la santé publique, la troisième partie du Code de la santé publique deviendrait « Lutte contre le tabagisme, le dopage et le cannabisme ».
Dans de nombreux pays de l’Union européenne ont été adoptés des dispositifs de prescription du cannabis sous une forme synthétique et naturelle pour des raisons thérapeutiques. Cela n’est pas le cas en France, où les malades peuvent parfois subir la répression et sont contraints de s’approvisionner au marché noir en passant par des réseaux. Cet aspect de la question n’est pas moins important. Il est impossible de l’éluder.
Se hâter lentement
La légalisation contrôlée du cannabis et la dépénalisation afférente de son usage prendront sans doute du temps. Une sensibilisation – de nos concitoyens, des parlementaires, de l’exécutif – à la réalité des problèmes s’impose, loin des vains tabous et des interdits contreproductifs. J’ai choisi pour ma part de me hâter lentement. J’ai lancé au Sénat un groupe informel de réflexion et de concertation. Le sujet est difficile et toutes les questions difficiles seront posées. L’objectif n’en est pas moins clair : l’élaboration, à l’avenir, d’un canevas législatif à la fois progressiste, efficace et utile.
[Source : Huffington Post]
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