La dernière croisade de Ratzinger

Surprise à Rome, le 24 novembre dernier, lors de l’ouverture de la Conférence internationale du Conseil pontifical pour la pastorale sanitaire
. Le numéro deux de l\’Eglise catholique, Son Eminence le cardinal Joseph Ratzinger, s\’était déplacé
pour réveiller les vieux démons. Le \ »gardien du dogme\ » se livra à une violente critique de la \ »civilisation de la mort\ », celle qui tolère l\’avortement et l\’euthanasie, qui envahit l\’Occident. Et soudain, il pointa le responsable de ce complot contre Dieu et son Eglise : la franc-maçonnerie en général et le D\’ Pierre Simon en particulier. Celui-ci aurait théorisé les fondements de son hérésie dans un ouvrage paru en 1979 et aujourd\’hui épuisé : De la vie avant toute chose. L\’ancien Grand Maître de la Grande Loge de France y traitait de la vie humaine comme objet de connaissance et non plus comme valeur sacrée. Ce réquisitoire romain avait d\’autant plus de quoi surprendre que
le PanzerKardinal[[Surnom donné au cardinal en raison de sa légèreté de char d\’assaut.]] n\’avait plus prononcé de discours antimaçonnique depuis la déclaration de la Sainte congrégation pour la doctrine de la foi, le 26 novembre 1983.
A cette époque, il avait réaffirmé l\’excommunication d\’office des catholiques maçons. L\’Osservatore Romano, quotidien
de la cité du Vatican, s\’était quant à lui
abstenu de tout commentaire de ce type
depuis 1985. C\’est pourquoi le discours
du 24 novembre 1994 ressemblait à une
réouverture des hostilités, sinon à une
déclaration de guerre.
Depuis, trois mois se sont écoulés.
Trois mois pendant lesquels de nombreuses
publications catholiques traditionalistes
dans le monde se sont fait l\’écho de cette
croisade. Au-delà du caractère folklorique
des anathèmes romains, cette campagne
se traduit déjà par l\’adoption de mesures
discriminatoires ici ou là. La plus violente a
été prononcée par le CSM (Conseil supérieur
de la magistrature italien) le 16 janvier
1995. Considérant que, selon lui,
l\’appartenance maçonnique d\’un magistrat
entâchait ses jugements d\’une présomption
de partialité vis-à-vis de ses \ »frères\ », la
section disciplinaire du CSM a prononcé
l\’incompatibilité professionnelle. Les
magistrats connus comme ·francs-maçons
ont été révoqués. Pour justifier de sa
décision, le Conseil a invoqué l\’article 18
de la Constitution de 1948, lequel interdit
les \ »sociétés secrètes\ », ainsi que la loi
Spadolini de 1982, laquelle prononçait
la dissolution de la loge déviée P2. Un
argumentaire qui choque par sa mauvaise
foi. La Constitution de 1948 visait à
empêcher la reconstitution des ligues
fascistes, pas des loges maçonniques
qui précisément avaient été détruites par
Mussolini. D\’ailleurs, les associations
maçonniques ne sont pas \ »secrètes\ »,
puisque légalement déclarées, mais
\ »fermées\ », c\’est-à-dire que l\’adhésion y est
très sélective. En ce qui concerne la loge
P2, qui fomenta des complots contre la
République italienne, il faut rappeler qu\’elle
se présentait comme une organisation
maçonnique mais n\’était pas reconnue
comme telle par les autres.
En France, M• Jacques Trémolet de Villers
(avocat de l\’ex-milicien Paul Touvier) a
consacré la dernière livraison de sa revue
Permanences à répondre à la question : « Peut-on être chrétien et franc-maçon ? •
Inutile de préciser que sa réponse est « non » ! En fait la condamnation romaine illustre une concurrence. Le magistère catholique veut héritier d\’une \ »Vérité révélée\ », à partir
de laquelle le monde prend sens et la
société s\’organise, tandis que la francmaçonnerie
considère tout dogme comme
une erreur, toute vérité comme relative, et oeuvre pour organiser la société selon
un principe laïque.
Une fois réveillés les vieux démons de
l\’intolérance, les traditionalistes catholiques
dérapent vite. Ainsi, le 19 janvier 1995, la
faculté de droit de Paris-Assas accueillaitelle
!\’eurodéputé (FN) Bernard Antony pour
une conférence d\’un autre âge : \ »La Francmaçonnerie,
pour ou contre?\ » L\’orateur se
défendit d\’abord d\’être expert en une si
difficile question : «Je ne possède chez moi
que quelques centaines de livres sur le
sujet. • Il exposa longuement et avec
objectivité ce qu\’est la franc-maçonnerie
– selon ceux qui l\’animent – et sa viscérale
opposition personnelle. Mais au cours des
dernières minutes, il changea de ton. Selon lui,
les maçons de base, parfois sincères, seraient
manipulés par les « hauts grades •. Ces
derniers, dans des chambres·secrètes, se
livreraient à l\’adoration du « diable •. Dans
l\’amphithéâtre, les étudiants terrifiés restent
muets. Quelques questions \ »spontanées\ »
furent alors posées au conférencier et président
de Chrétienté-solidarité: «Le concile de
Vatican Il est-il le fruit de l\’infiltration de
l\’Eglise par les francs-maçons ? • Ou encore :
« Quels rapports existe-t-il entre les francsmaçons
et les Juifs ? •

EXCOMMUNICATION D\’OFFICE
« Le jugement négatif de
l\’Eglise sur les associations
maçonniques demeure
inchangé, parce que leurs
principes ont toujours été
considérés comme
inconciliables avec la doctrine de l\’Eglise
et /\’inscription à ces associat10ns reste
interdite par l\’Eglise. Les fidèles qU1
appartiennent aux associations maçonniques
sont en état de péché grave et ne peuvent
accéder à la sainte communion.
Les autorités ecclésiastiques locales
n\’ont pas compétence pour se prononcer sur
la nature des associations maçonniques par
un jugement qui impliquerait une dérogation
à ce qui a été affirmé ci-dessus. •
Déclaration de Son Eminence Joseph
Ratzinger, promulguée par Sa Sainteté 
Jean-Paul Il le 26 novembre 1983.  

LE FASCISME FRANÇAIS
En août 1940, le chef
de l\’Etat français,
Philippe Pétain, dissous
les associations
maçonniques et
confisque leurs biens.
Inutile de préciser que sa réponse est: non .:….! __
En fait la condamnation romaine illustre une
concurrence. Le magistère catholique se
11 confie à Bernard Faj
le fichage des francs-maçons qui établira
une liste de soixante-quinze mille noms,
dont quatorze mille seront publiés au
Journal officiel. L\’Etat fasciste institue un
\ »Service des sociétés secrètes\ », qui procède
à la révocation des fonctionnaires francsmaçons
et à des arrestations systématiques
– tandis que la propagande de Vichy
dénonce le « complot judéo-maçonnique •.
La plupart des personnes interpellées seront
remises à l\’autorité nazie et déportées–\ »
vers les camps de la mort. .,Y


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