J’ai vu brûler Tokyo

Les raids avaient commencé
déjà depuis quatre mois, mais
le chef de l aviation américaine
de bombardements, le général
Curtuss-Lemay, n\’était pas
– – – content des résultats. Pour
Tokyo, il décida de changer de tactique
et prononça cette parole restée
historique : « Je vais les faire redescendre
à l\’âge de la pierre. »

Quatre j ours passent ; et c\’est le 9 mars … 9 mars
1945 ; une date dont Tokyo se rappellera comme
il se rappelle le 1•• septembre 1923, date du grand
t remblement de terre. Ce 9 mars, le printemps a fait
irru ption par surprise, comme le font au Japon les
saisons. Mais le beau temps, en cette époque de raids,
loin de réjouir, apporte l\’anxiété.
Plus inquiétant encore est le vent, un vent qui dès
la matinée enfle son souffle, se gonfle en rafales dans
l\’après-midi, et, ramenant les nuages avec la nuit, a pris
dans la soirée la violence d\’un typhon de printemps. Le
drame qui se prépare sera dû à cet ouragan. Dans toute
la ville, c\’est une même pensée : s\’ils venaient avec un
pareil vent, cela pourrait être terrible.
Or, ils savent à quoi s\’en tenir sur le temps qu\’il fait
à Tokyo, car un 8-29 isolé, volant à onze mille mètres,
a survolé la capitale dans la journée, venu évidemment
en mission de reconnaissance. Et à onze heures du soir,
vo ici qu\’ils viennent en effet : les sirènes les annoncent,
et la radio avertit qu\’ils sont en grandes formations.
Avant minuit, ils sont là, et tout de suite, ils travaillent
à semer le ciel. Des éclairs s\’allument partout dans les
ténèbres, des arbres de Noêf fleurissent de feu les –
hauteurs de fa nuit, puis s\’abattent en bouquets de
flammes zigzaguantes qui descendent en sifflant. Un
quart d\’heure à peine après le début de l\’attaque,
l\’incendie fouetté par le vent commence à moissonner
dans l\’épaisseur de la ville de bois.
Une fois de plus, la chance, ou plutôt le plan
méthodique du commandement américain, veut que
mon quartier ne se trouve pas directement sous l\’attaque.
Une immense aurore naît au-dessus des quartiers plus au
centre, que le bombardement en tapis, descendant de raid
en ra id, commence évidemment à atteindre.
La grande lueur chasse la nuit, et dans le ciel
apparaissent ici et là les B-29. Pour fa première fois, ils
volent à basse ou moyenne alt itude, et à des hauteurs
différentes. Dans les colonnes de fumée oblique qui
commencent à monter de fa ville, on voit leurs longues
ailes de métal, aiguës comme des lames, briller
brusquement au reflet de fa fournaise, passer en
silhouettes noires sur le ciel de feu, reparaître plus loin
dorées sur des pans sombres de ciel, ou bleues comme
des météores dans les rayons des projecteurs dont les
compas s\’ouvrent et se ferment à l\’horizon.
fi ne sied pas sous un pareil raid de rester sans rien
voir sous terre, car on pourrait se trouver rôti avant
d\’avoir eu le temps de comprendre ce qui se passe.
Tous les Japonais, dans l,es jardins proches du mien, sont dehors, ou à l\’orifice de leurs trous, et l\’on entend
(la chose est bien japonaise) les gens qui devant le
spectacle grandiose et presque théâtral poussent des cris
d\’admiration : \ » Que c\’est beau! Que c\’est beau!\ »
Autre détail, venant cette fois-ci d\’un témoin américain,
c\’est-à-dire d\’un des membres d\’équipage des
superforteresses qui lâchaient leurs bombes de très bas
au-dessus de l\’incendie : \ »Eh bien ! confiait l\’aviateur en
racontant la nuit d\’enfer, à l\’intérieur des carlingues nous
nous pincions tous le nez pour essayer d\’échapper à
l\’odeur épouvantable de toute cette chair humaine en
train de griller /à-bas en dessous. \ »
Le bombardement continue à frapper plus loin, par-delà
la colline qui barre mon horizon. Mais le vent toujours
aussi violent commence à charrier des débris calcinés
rabattus par le ciel incendié. Les étincelles encore
brûlantes se font plus nombreuses ; puis des morceaux
de bois ou de papier enflammés, et cela devient peu à
peu une pluie de feu. Il faut sans cesse aller et venir, sur
la terrasse, dans le jardin, autour de la maison, pour
veiller au danger et éteindre les tisons. Dans le ciel, des
grappes de torches éclatent au loin et retombent sur la
ville en ondulant. Les bombes ressemblent parfois, sans
doute par l\’effet du liquide enflammé, à des chevelures
de flammes. Ici et là, s\’allument, en brusques éclairs qui
se poursuivent dans le ciel, les corolles rouges des tirs
antiaériens, mais la défense est médiocre, et les grands
8-29, volant sans ordre, paraissent travailler en liberté.
Par intervalles le ciel se vide, ils sont repartis ; mais de
nouvelles formations, annoncées par la voix rauque mais
toujours assurée de la radio, viennent occuper la nuit,
et l\’effrayante Pentecôte recommence.
Des flammes ont jailli assez près, à une distance
imprécise, vers fa hauteur où s\’achève mon quartier. On
les voit se tordre sous le vent au ras des toits silhouettés
en noir ; des débris sombres tourbillonnent au-dessus
dans la tourmente. L\’incendie se rapproche, il a gagné –
les alentours se repassent déjà l\’information – le
faubourg voisin de Sarumachi, dont le nom veut dire
\ »village des singes\ ».
Des gens redescendent en courant la rue voisine ; il
paraît que c\’est le bruit des maisons qui s\’effondrent. Un
large boulevard, là-haut, s\’étend en travers de la route de
feu, et plus près encore celui-ci sera en partie brûlé, mais
une fois de plus l\’incendie épargne le flanc de ma colline.
Et la course anxieuse aux flammèches continue, tandis
que fa nuit fait place peu à peu à un jour noir et rose où
toute fa ville fume obliquement vers le ciel.
Mais tout cela n\’était que l\’effrayant éclairage du
drame, et celui-ci s\’est passé plus loin dans le nord-est et
l\’est de la capitale. J\’en rapporterai les récits tels que je
les ai recueillis dans les jours suivants et plus tard. La
région visée, c\’est le plat pays ouvrier et usinier. Là se
trouvent non seulement les grandes usines et les
habitations de tous ceux qui ont leur emploi, mais aussi
les innombrables ateliers où les artisans et les familles
travaillent, souvent à domicile, pour la défense nationale.
C\’est ce que l\’on appelle le \ »côté de fa plaine\ », par
opposition au \ »côté de la montagne\ » dont les quartiers
résidentiels sont clairsemés dans les collines de l\’Ouest
et du Sud. C\’est bien une plaine en effet, où les
faubourgs serrés comme une jungle tassent l\’épaisseur compacte de leurs quartiers surpeuplés, agglutinés en
une seule masse dans le quadrillage des ruelles étroites.
A part quelques avenues rectilignes et un lacis de
canaux croupissants, la rivière Sumida fraie seule une
large voie à travers cette agglomération aux milliers de
logis en bois. Sur la rive gauche, Fukagawa avec ses
docks en façade sur la baie de Tokyo, Honjo et Mukojima
peuplés d\’usines ; sur fa rive droite, Asakusa, Shitaya et
les parages de Kanda et de Nihombashi : ce sont les
principaux morceaux de ville marqués pour l\’holocauste.
Les premières superforteresses, vers minuit, lâchant
par centaines les faisceaux de cylindres incendiaires que
le populaire a baptisés \ »paniers de fleurs de Molotov\ »,
délimitent par quatre ou cinq grands incendies le pourtour
de fa zone à détruire. Les suivantes, volant plus bas,
commencent à survoler cet espace en tournant en rond
ou en entrecroisant leurs routes pour laisser derrière
elles de grands anneaux de feux. D\’autres vagues
viennent bientôt semer encore les bombes incendiaires à
l\’intérieur des cercles flamboyants. Et l\’enfer commence.
Les habitants restent héroïquement sur place sous les
bombes, fidèles aux ordres qui prescrivent à chaque
famille de défendre soi-même son logis. Mais comment
maitriser l\’incendie par un vent pareil et quand une seule
maison reçoit jusqu\’à dix bombes ou même bien
davantage ? Car ces engins ne pèsent pas plus de trois
kilos chacun, et tombent par milliers en une vêritable
pluie. Leurs cylindres de métal lâchent d\’ailleurs en plein
vol une rosée incendiaire qui glisse le long des toits,
enflamme tout ce qu\’elle éclabousse et répand partout
une coulée de flammes dansantes. C\’est la première
version du tristement célèbre napalm.
Les pauvres défenses des milliers de pompiers
amateurs, maigres jets d\’eau des pompes à main, nattes
mouillées ou sable qu\’on jette sur l\’engin quand on peut
approcher d\’assez près sa terrible chaleur, se montrent
complètement impuissants. Les toits crèvent souvent
sous l\’impact des bombes, et en quelques minutes fa
frêle maison de bois et de paille flambe, tout illuminée
de l\’intérieur comme une lanterne de papier. Le vent en
ouragan s\’enfle encore des grands souffles de l\’incendie,
rabattant horizontalement des planches en feu qui
blessent les gens et allument les choses.
Le feu d\’un pâté de maisons distant rejaillit
brusquement tout proche, avançant avec la vitesse d\’un
incendie de forêt. Les familles hurlantes décident de tout
abandonner ; parfois les femmes sont déjà parties,
emmenant des bébés, traînant des caisses ou des
matelas. Trop tard : au bout de la rue, le cercle de feu a
fermé la route. Partout, c\’est tôt ou tard l\’encerclement.
La police est là, et les pompiers impuissants, qui
tentent encore un moment de contrôler les foules
en fuite, les dirigeants vers les trouées noircies par
lesquelles des incendies antérieurs ont parfois ménagé
une issue. Dans les rares endroits où fonctionnent des
lances d\’incendie – car l\’eau manque ou est sans
pression dans la plupart des canalisations -, les
pompiers inondent les fuyards sous leurs jets d\’eau afin
de leur permettre de franchir sans prendre feu les
passages les plus brûlants.
Ailleurs, les gens se trempent dans les baquets qui
sont devant chaque logis, avant de reprendre leur course.
Mais la fuite est entravée par d\’innombrables obstacles ;
les poteaux télégraphiques et les fils de tramways, dont
un epais réseau enserre Tokyo, s\’abattent en travers des
rues. Dans la fumée épaisse, où le vent est si brûlant
qu\’il rôtit les poumons, les fugitifs s\’abattent, avant
de brûler bientôt sur place. L\’air incendié est rabattu par
le vent au ras du sol, et c\’est souvent par les pieds que
les fuyards commencent à brûler : les bandes molletières
des hommes ou les jambes de pantalon des femmes
flambent en premier, et le reste du vêtement suit.
La tenue de raid, dont le gouvernement a répandu
le modèle dans la population civile, comporte d\’épais
capuchons ouatés qui couvrent la tête et les épaules. Ils
sont censés protéger surtout les oreilles contre le souffle
des bombes … explosives, alors que depuis des mois
Tokyo reçoit surtout des incendiaires. Les capuchons
s\’enflamment sous la pluie des flammèches, et les gens
qui ne prennent pas feu par en bas brûlent par la tête.
Les mères, qui portent leur bébé ficelé derrière elles sur
le dos, selon la coutume japonaise, s\’aperçoivent souvent
trop tard que les vêtements capitonnés qui enveloppent
l\’enfant ont pris feu. les fuyards s\’entassent avec leurs
paquets dans les rares espaces libres, carrefours, jardins
et parcs ; mais les bagages prennent feu plus vite encore
que les vêtements, et la foule flambe de l\’intérieur.
Des centaines de gens, renonçant à fuir, s\’enfouissent
dan les trous qui leur servent d\’abris, avec ou sans
leurs plus précieux bagages : on les retrouvera
carbonisés. Des familles entières périssent dans les
trous qu\’elles ont établis … sous leur cloison de bois, tant
est limité l\’espace disponible pour creuser le moindre
abn, dans la ruche surpeuplee de ces quartiers pauvres ;
la maison s\’écroule sur eux et brûle, les cuisant dans leur
trou à !\’étouffée.
Les fronts d\’incendie avancent avec une telle rapidité
qu\’en beaucoup d\’endroits la police n\’a pas le temps de
faire évacuer les îlots menacés, à supposer qu\’une
retraite soit libre. Et l\’incendie renaît sous le vent en des
endroits inattendus, semé au loin par les débris volants.
Les pompiers de toute l\’autre moitié de la ville essaient
de pénétrer dans l\’enfer ou de l\’attaquer sur son
pourtour, mais ils ne peuvent guère aborder l\’incendie
qu\’en le contournant pour se trouver sur le vent, là où
leur action est inefficace et où le sinistre a déjà tout
emporté.
On voit se reproduire un phénomène qui avait terrorisé
Tokyo lors du grand incendie de 1923 : par l\’effet du vent
et du formidable souffle de l \’incendie, se créent
en plusieurs endroits d\’immenses tourbillons ardents
qui tournoient en abattant tout et en aspirant des pâtés
entiers de maisons dans leurs maelstrom de feu.
Partout où passent des canaux, les foules se jettent à
l\’eau ; là où la fosse verticale est peu profonde, les gens
attendent, à moitié enfoncés dans une vase immonde,
la bouche au ras du flot ; on les retrouvera morts par
centaines, non pas noyés mais étouffés par l\’air brûlant
et les fumées d\’alentour. En d\’autres endroits,
la température de l\’eau monte rapidement, devient
intolérable, et les malheureux baigneurs périssent ;
on retrouvera des cadavres bouillis. Certains canaux
communiquent directement avec la Sumida : à la montée
de la marée, les occupants perdent pied et se noient.
A Asakusa et Honjo, les foules se réfugient sur
les ponts : mais ceux-ci sont en métal et peu à peu
s\’échauffent : des grappes humaines accrochées aux
rambardes devenues brûlantes finissent par lâcher prise
et tomber à l\’eau qui les emporte. Sur les deux rives
de la Sumida, des milliers de réfugiés refluent dans les
parcs et les jardins qui s\’allongent au bord du fleuve.
La panique rabattant une multitude toujours plus pressée
sur l\’étroite bande de terrain, la poussée irrésistible
refoule progressivement les gens vers la rivière, et les
pans successifs d\’une humanité hurlante s\’abattent et
s\’engloutissent dans l\’eau profonde. On retrouvera dans
l\’estuaire de la Sumida des milliers de noyés.
A Asakusa, la foule s\’est réfugiée autour du vieux
temple bouddhiste, un des plus beaux de Tokyo. C\’est le
sanctuaire de Kwannon, la déesse de la Pitié, qui attirait
de cinquante à soixante mille visiteurs par jour en temps
de paix. L\’asile est réputé sûr, car le temple, qui date du
XVII\ » siècle, a survécu à tous les grands incendies de
Tokyo, y compris celui du tremblement de terre de 1923,
du fait que les bonzes n\’avaient admis dans le parc
d\’alentour que les réfugiés sans leurs paquets. Le
populaire attribue le salut du temple à la protection de la
déesse. Hélas ! cette fois-ci, Kwannon, n\’a pas sauvé son
peuple : allumé par les tisons volants ou par les bombes,
l\’énorme charpente de bois brûle, et l\’immense toit de
tuiles grises s\’abat.
Les grands ginkgos du parc flambent avec les jardins et
les gens. Partout où s\’ouvre dans la masse de la ville
quelques rares oasis, des scènes affreuses se
reproduisent, les fuyards périssant par centaines : au
jardin des Cent-Pierres, cher aux poètes japonais, au parc
de Kiyozumi dans Fukagawa, etc. Dans les cours
intérieures du temple de Kameido, aux célèbres glycines,
les gens sont pris dans le cercle des bâtiments en feu ,
c\’est là, ou bien dans leurs petites maisons toutes
proches, que périssent les filles du quartier de plaisir
voisin
Au célèbre Yoshiwara, près d\’Asakusa, se renouvelle un
drame qui est pour ainsi dire classique dans les grands
incendies de l\’histoire de Tokyo : les tenanciers, avant
que le raid n\’ait pris sa violence, ont hâtivement fermé
les hautes portes de métal qui isolent le quartier, afin
que le précieux troupeau des filles ne puissent pas
s\’évader. Les maisons faisaient belle recette, par ce soir
de début de printemps. Beaucoup de clients n\’ont pas
mesuré à temps le péril : quand ils veulent fuir, il est trop
tard. Et les femmes périssent pour la plupart dans les
flammes, avec leurs amants de ce soir-là.
A N1hombash1 , la police dinge les fuyards vers un haut
building moderne et bien construit, le Meijiza, ou théâtre
de Meiji. Les incendies se rapprochant, envoient dans le
vent une terrible fumée : les réfugiés suffoqués font
abaisser les grands rideaux de fer du théâtre qui sont
mus électriquement. Mais le sinistre gagnant le quartier
voisin, l\’air brûlant envahit l\’intérieur du bâtiment, dont
les occupants meurent tous rôtis, car lorsqu\’ils veulent
fuir, les rideaux sont bloqués et ne se relèvent pas …
Mais à quoi bon continuer le récit de ces horreurs ?
L\’alerte est levée vers cinq heures du matin. Celles des
sirènes qui fonctionnent, dans la moitié épargnée de la
ville, sonnent la fin du raid , mais l\’autre moitié achèvera de brùler pendant plus de douze heures encore. Je me
suis entretenu avec quelqu\’un qui parcourut les lieux du
châtiment le lendemain, dans la journée du 11 mars. Le
plus épouvantable, m\’a dit ce témoin, c\’était d\’être obligé
à chaque pas de descendre de bicyclette pour passer sur
les innombrables cadavres qui gisaient en travers de
toutes les rues. Il faisait encore un vent léger, et comme
certains corps carbonisés n\’étaient plus que de la
cendre, on les voyait achever et s\’effriter sous le vent qui
les dispersait comme du sable. En beaucoup d\’endroits,
une foule rôtie barrait le passage.
J\’ai eu connaissance, quelque temps plus tard, du
premier chiffre officiel des victimes, chiffre supposé
confidentiel, mais que la rumeur publique allait répandre
dans tout le Japon : cent vingt mille morts. Et j\’ai appris
après la guerre que des documents officiels japonais
saisis par le commandement américain – documents
secrets qui n\’étaient pas rédigés à l\’intention des
Américains mais du gouvernement japonais pendant la
guerre – auraient donné une estimation de cent quatrevingt-
dix-sept mille morts et disparus. Encore une fois,
l\’énormité de l\’holocauste, comparable à celui de la
bombe atomique, a été due au terrible vent de la nuit
du 9 au 10 mars \’11• Tokyo va subir encore des raids plus
violents par le nombre de bombardiers et des bombes
qui achèveront de raser la ville ; mais il semble qu\’aucun
des raids postérieurs ne fera jamais plus de quelque vingt
mille victimes au maximum.
D\’après les renseignements publiés par les Américains,
plus de trois cents superforteresses – dont deux
seulement ne sont pas revenues – ont participé au raid
du 9 mars. Elles portaient chacune un poids jusqu\’alors
inusité de bombes, sept à huit tonnes par appareil ;
et ces bombes étaient d\’un nouveau type, contenant dans
leurs cylindres un mélange de gelee incendiaire et
d\’essence.
La ville a reçu cette seule nuit, entre minuit et trois
heures du matin environ, sept cent mille bombes. Le
poids total en était dix fols supérieur à celui des bombes
déversées par la Luftwaffe lors du grand incendie de
Londres en septembre 1940 ; et la superficie rasée de
Tokyo, le 9 mars, est quinze fois la superficie détruite à
la même occasion dans la capitale anglaise.
Et tout cela se passait cinq mols avant la bombe
atomique .••
Robert Guillain


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