Entre les repas, des rencontres discrètes avec quelques
hommes politiques français (dont l\’identité, à ce jour, n\’a pas
été dévoilée) et une conférence à l\’IFRI (Institut français des
relations internationales) pour expliquer que son parti a rompu
avec le fascisme.
Aucun incident n\’est venu troubler cette journée bien
remplie. Pas de contestation, pas l\’ombre d\’une
manifestation : bizarre, si l\’on pense au tollé qu\’avait soulevé,
au printemps 1994, l\’entrée des ministres néofascistes dans
le gouvernement italien …
Il est vrai que les étudiants, ce jeudi 16 février, étaient dans
la rue, mais c\’était pour protester contre la circulaire sur les
IUT et le rapport Laurent. Savaient-ils seulement que le leader
de l\’extrême droite italienne était à Paris?
La veille, à Londres, les choses s\’étaient moins bien
passées pour Fini , pris à partie par deux ou trois cents
manifestants qui s\’étaient acharnés sur la voiture dans
laquelle se trouvaient également son secrétaire particu lier
Checchino Proietti et son conseiller économique et
diplomatique Piero Armani (aucun lien de parenté avec le
célèbre couturier), ancien collaborateur du président du
Conseil socialiste Bettino Craxi. Et au Roya l lnstitute of Foreign
Affairs, où il avait été invité à prendre la parole, son discours
avait été interrompu par un contestataire qui lui avait reproché
de n\’étre qu \’ • un Mussolini habillé par Armani,, (le couturier).
La presse française, à l\’exception notable du Rgaro (qui,
dans un article plutôt élogieux, a attribué à Fini le mérite
d\’avoir \ »défascisé\ » l\’extrême droite italienne), n\’a pas cru bon
de signaler la présence à Paris du leader de
!\’Alliance nationale.
Dommage, car cette visite a été riche
en enseignements. Pourquoi l\’étatmajor
de la banque Rothschild a-t-il
reçu avec autant d\’égards un
personnage certes \ »très présentable\ », mais qui,
vo ici quelques mois encore, n\’hésitait pas à
affirmer que Mussolini avait été l\’un des plus
grands hommes d\’Etat de ce siècle?
Quelqu\’un
dont l\’un des amis, proche
de !\’Alliance nationale, Clemente Mastella
(ministre du Travail dans feu le gouvernement
Berlusconi), dénonçait, le 13 août 1994,
\ » un complot du lobby hébraïque new-yorkais
contre l\’Italie \ »· A vrai dire, les argentiers
parisiens n\’ont fait que suivre
l\’exemple de leurs homologues
londoniens qui, la veille, avaient
également organisé un déjeuner
en son honneur.
Il semble que la rencontre
avec les Rothschild ait été
organisée par Jean-Claude
Meyer, associé-gérant
de la banque depuis 1989,
administrateur et viceprésident
de RothschildEurope,
Rothschild-Espagne,
Rothschild-Italie, Rothschild-Portugal, membre
de l\’Advisory Commitee de Rothsch1ld-Amerique du Nord et
président des éditions du Solstice. Son initiative
aurait reçu l\’aval d\’une partie de la famille
Rothschild mais provoqué une grosse colere
du baron Guy.
C\’est Pierro Armani (le conseiller), un temps
vice-président de l\’IRI (!\’Office italien de
l\’industrie nationalisée), qui a réussi à
convaincre les milieux d\’affaires et de la haute
finance, avec lesquels il a gardé des relations
étroites, que !\’Alliance nationale n\’est plus
néofasciste. Du reste, assure Armani, les
Italiens l\’ont bien compris, qui ont été des
millions à voter pour Fini et son parti.
Mais les mondanités avec les brokers
de la City et les banquiers parisiens
n\’auraient sans doute pas été
possibles sans l\’aide précieuse
de Sir Derek Thomas, ancien
ambassadeur de GrandeBretagne
à Rome,
actuellement conseiller
de la banque
Rothschild pour
l\’Italie, qui s\’est
donné beaucoup de
mal pour assurer la
\ »promotion\ » de
Gianfranco Fini à
Londres et à Paris.
Un autre \ »sponsor\ » de
poids est !\’Américain Maxwell
Rabb, ancien ambassadeur des
Etats Unis à Rome (du temps de
Reagan), qui a usé de son influence
pour organiser une tournée du leader de
!\’Alliance nationale à Washington et à New
York, prévue pour le mois de mars prochain.
Le terrain avait donc été bien préparé pour ces
rencontres avec le gratin des milieux d\’affaires,
de la finance et des banques européennes.
Fini a assuré que \ »Silvio Berlusconi n \’est
pas une étoile filante, l\’étoile d\’une
seule nuit •. Le gouvernement des
\ »technocrates\ » dirigé par M.
Dini n\’est que
\ »transitoire\ » : bientôt
(en juin ?) des nouvelles
élections permettront à
Forza ltalia et à !\’Alliance
nationale de revenir aux affaires, avec une coalition plus solide,
une majonte plus confortable et, naturellement,
Berluscorn à la présidence du Conseil.
A-t-il convaincu ses auditeurs ? Peut-être. Mais
pour l\’insta[lt (\ »wait and see\ ») les investisseurs
étrangers restent prudents : ils ne se pressent
pas au portillon de l\’économie italienne et la lire
continue de dégringoler sur les marchés des
changes.
Quant aux retombées politiques de sa
tournée, Fini s\’est réjoui des \ » liens positifs •
qu\’il assure avoir établis avec les
conservateurs anglais et les
gaullistes français. Il a confirmé
l\’ambassade
que la rupture avec JeanMarie
Le Pen était
\ » ancienne ,, et
\ » définitive \ »· Mais il a
refusé de révéler les
noms des hommes
politiques qu\’il avait
rencontrés à Paris,
se bornant à affirmer :
\ » Je ne connais pas
personnellement monsieur
Chirac. \ »
Au dîner à l’ambassade d\’Italie, l\’ambassadeur
Luigi Cavalchini, prudent,
n\’avait pas invité de journalistes
italiens (ils ont une fâcheuse tendance, ces
temps-ci, à extérioriser leurs passions
politiques) : seulement quelques-uns de leurs
confrères parisiens et, naturellement, des
politologues, des hommes d\’affaires et (encore)
des banquiers français et italiens.
On a cependant remarqué, autour de la table,
la présence d\’un \ »homme de Matignon\ », l\’un
des conseillers d\’Edouard Balladur.
Enrico Molinari
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