Histoire d\’un génocide

La relève française
C\’est·en 1990 que a France découvre l\’existence du Rwanda. Depuis 1975, il est vrai, un accord de coopération militaire (très. discrètement conclu sous la présidence de Valéry Giscard d\’Estaing) liait les deux pays.
En octobre 1990, lorsque, apparemment surpris par l\’offensive du FPR, le Président Habyarimana rentrant de New York fait un détour par l\’Europe, Il se précipite chez ses deux plus
· fidèles amis : le roi Baudouin et le Président Mitterrand. Ce dernier, qui se trouve en voyage officiel en Arabie Saoudite, prend immédiatement la décision d\’intervenir et demal\’lde à être inform6 d\’heure en heure de l\’évolution de la situation au Rwanda. Il y a longtemps que le chef de l\’Etat français connait le Président rwandais. Par comparaison avec son voisin Mobuta, il le considère èomme un homme sérieux, fiable, un militaire cultivé aussi, . phénomène plutôt rare en Afrique. Habyarlmana,
.qui participe aux réunions de prières avec le roi des Belges, récite des poèmes au Président français. Ce dernier sera séduit par la finesse de ·l\’homme, qu\’il comparera au président Senghor, touché par la vulnérabilité de ce petit pays ·
.confronté à une Invasion soutenue par un pays anglophone.
A Paris, la décision est prise rapidement: Il faut intervenir pour évacuer et rassurer les expatriés ; Il faut soutenir un régime injustement agressé. Les excellentes relations qui se sont nouées entre Jean-Christoj:>hè, le fils du Président français, et Jean-Pierre, le fils du Président rwandais, avec la bénédiction de Mobutu, font le reste, d\’autant plus que le premier dirige à l\’époque la c_ellule africaine de l\’Elysée. Une première compagnie de 150 paras quitte Bangui le 5 octobre, une autre suit le lendemain, les Belges de reur côté envoient 600 hommes. L\’évacuation des expatriés est . rondement menée, mals alors que les Belges repartent uné fois cette mission accomplie, les Français s\’installent.
.Comme à Kolwezi-en 1978, les paras français sont au Rwanda pour \ »ralsori humanitaire\ ». De
.nombreux coopérants reconnaîtront effectivement que, n\’eOt été la présence militaire française, ils ne seraient guère restés au Rwanda. Mais même pour les expatriés, cette protection .a des limites : en 1 9 9 2 , alors que des massacres ravageaient le Bugesera, à une heure de route de Kigali, c\’est · en vain qu\’une volorrtaire Italienne qui se sentait menacée, Mme Locatelli, frt: appel aux Français. Nul ne bougea et elle fut assassinée. D6sormais lesoutienaurégimerwandaisest.avanttout ne.
. affaire de militaires. Quoi de plus normal 1 Les hommes politiques français sont à peine
capables de localiser ce petit pays sur une carte, · la presse, à de rares exceptions près, n\’y vient pratiquement jamais( le cas du Rwanda•. pas plu  que celui du Burundi d\’ailleurs, ne suscite jamais de débat public à l\’Assemblée nationale ou ailleurs. L\’Elysée (qui dirige la politique africaine de la France) et les militaires ont au Rwanda comme au Burundi les mains plus libres qu\’ailleurs en Afrique : aucun contrôle démocratique ne s\’exerce.
Dès le début de leur engagement, les Français · sont informés des dérives du régime. Aln i, par exemple, une letb\’e d\’aoOt 1990, adressée au Président Habyarlmana par la section spéciale \ »lutte antidrogue\ » de la police française, relève : c Votre pénitencier de Butare est un centre bien connu de trafic de stupéfiants produits au Rwanda, et le directeur de /\’établissement est un maillon três actif, qui jouit d\’une grande crédibllltt§ auprês dé ses amis trafiquants français du fait qu\’il entretient des contacts directs et régul/ers avec vous. [•..J Le marché de la drogue dans votre pays est une menace pour Je nôtre; » .
Fermant les yeux sur ces trafics, les militaires français découvrent au Rwanda un ennemi comme ils les aiment : les rebelles sont au départ Issus d\’un groupe minoritaire, leurs chefs parlent anglais, et Ils assurent qu\’ils mènent une lutte de libération nationale, dont les \ »nationaux\ » ne veulent pas. En outre, dit-on, certains dirigeants du FPR se réclameraient d\’une sorte de socialisme à la tanzanienne, leurs discours rappeleraient ceux des cadres du FreUmo . mozambicain dans les premiers temps de la lutte.
C\’est sâns doute pour combattre les \ »subversifs\ » que l\’armée française, dès 1990, · envoie au Rwanda tant de militaires appartenant aux forces spéciales. Ils feront leurs preuves. C\’est ainsi qu\’un hélicoptère  e combat aurait rêussi à stopper, au lance-roquettes, une colonne de ravitaillement du FPR en octobre 1990. Aux . commandes se trouvait un officier d  la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), le contre-espionnage français ru. .
Deux ans plus tard, la Franèe offre sa médiation politique et, malgré la.méfiance du FPR, un premier contact officiel est pris à Paris entre le Front et des représentants du gouvernement rwandais. (Une rencontre avec l\’opposition intérieure a déjà eu lieu à Bruxelles.) Mais sur le terrain, l\’intervention française s\’intensifie : une compagnie venue de · Centrafrlqùe débarque à Kigali et aide l\’armée rwandaise à reprendre la ville de Byumba, dans le Nord, dont les rebelles se sont emparés.
En fait, depuis 1990, ce sont le5 militaires français qui garantissent la .survie politique de Habyarlmana. Certes, le rêgime rwandais fait ce qu\’il peut : il achète des armes et recrute dans les campagnes, mais 5es soldats de fortune manquent de motivation, de.pugnacité. Seule IC! solde les attire. A chaque offensive importante du
· FPR, le contingent français, qui maintient . quelque 150 coopérants en permanence sur le terrain, est renforcé d\’une ou deux compagnies d hêes de Bangui, qui se retirent lorsque la menace s\’atténue121•
C\’est grtce aux Français, ·qui envolent un dêtàchenjent supplémentaire de 400 hommes et des pièces d\’artillerie, que le FPR, de justesse, est empêché de prendre Kigali en février 1993. L\’unité ·qui intervient aloi:s est le 1• régiment d\’infanterie de marine, RPIMA, basé à Bayonne. Relevant directement du chef d\’état-major des
armées, il s\’agit d\’une unité assez particulière, souvent affectée à des missions spéciales. Elle sera parfois relayée par des équipes Issues dli 13• régiment de dragons
parachutistes, RDP, basé à Dieuze en Moselle, dont la particularité est de mener des opérations de reconnaissance en profondeur 121>. Cette interposition française a officiellement pour but de c prévenir le bain de sang » dans la capitale, mais elle ne réussira pas à empêcher l\’exoded\’unmilliondeHutusquiviendront • s\’agglutiner aux portes de Kigali dans de misérables camps de déplacés.
En 1992 et 1993, la France intensifie ses livraisons d\’armes au Rwanda ,., : l\’armurerie de Chateaurouxnepouvantpluslivrerlesquantités requises, l\’armée française prêlêve sur ses · propres\ »stocks1111. LesFrançaissemontrent généreux à l\’égard de ce petit pays pauvre qui n\’a
guère les moyens de s\’offrir d\’aussi coOteux équipements: automitrailleuses, hélicoptères Gazelle, avions Nord-Atlas ou.Guerrier, artillerle de campagne.
Dans les bars de Kigali, les F.rançais ne se pri nt pas de raconter qu\’ils assurent le  rvice après-vente: ils tiennent eux-mêmes les pièces d\’artillerie et règlent les tirs de précision : • Ce n\’est pas nous qui tlmns, mals Ils n\’\’!\ »f plus qu\’ j pousser sur le bouton… »
Par ailleurs, une compagnie de légionnaires \ »tient\ » l\’aéroport, une autre, dotée de lanceurs de missiles portables, contrôle le trafic sur les axes routiers au nord de Kigali. Les Fran·çais, c pour des raisons de sécurité », vérifient eux- mêmes l\’identité des Rwandais et surveillent d\’un peu plus près ceux qui portent la \ »mentlon°
tutsl. En mars 1993 d\’alUeurs, !\’Association rwandaise des droits de l\’homme se plaint ouvertement de la discrimination ethnique pratiquée par les Français aux barrages routiers et considère, comme tous les partis d\’opposition, quê c /es militaires français sont une force supplémentaire ·d\’oppression »,
Si les Belges sont présents à l\’h6pltal militaire de Kanombe, êlans le Nord, les Français tiennent -l\’hôpital de Ruhengerl, où les blessés affluent. A
Ruhengerl d\’ailleurs, tout près du Front, les Français participent directement aux opérations : les Rwandais ébahis racontent avoir vu des- FraÎlçeis à peau noire, vraisemblablement des Antillais, participer à des battues dans la forêt…

Interrogatoires musclés
Les hommes des forces spéciales françaises vont plus loin encore : à Kigali, Ils participent directement, et en uniforme, aux Interrogatoires \ »musclés\ » des prisonniers dμ FPR et les questionnent sur la stratégie poursuivie, la logistique, les contacts avec l\’extérieur, les sources de financement. La plupart d\’entre eux opèrent sous des noms de code, qui commencent par la première lettte de leur nom. Pour en savo!r plus, les Français mèneront même des \ »actions en profondeur\ ». Tellement profondes qu\’elles les conduiront en territoire ougandais, à l\’arrière des lignes du FPR, afin de mesurer l\’ampleur de l\’aide apportée par Kampala aux rebelles.
Le rôle du DAMI, Détachement d\’assistance militaire et d\’instruction, est plus ambigu encore : ses ·hommes, au nombre d\’une trentaine, ne sont pas seulement présents sur le terrain, Ils participent directement à la formation des recrues rwandaises et, selon certains témoignages, à l\’entraînement de ,milices. Le chef du DAMI, le lieutenant-ëolonel Chollet, conseiller direct de Habyarlmana, a également été nommé, le 1• janvier 1992, chef suprême des forces armées rwandaises et exerce les fonctions de conseiller du chef d\’état-major de l\’armée rwandaise. Bref, il est le véritable patron et intervient dans l\’organisation de l\’armée rwandaise, l\’instruction etl\’entraTnement des
· unités, l\’emploi des forces, etc. Lorsque, trop voyant, il sera rappelé, le lieutenant-colonel Maurin, officiellement adjoint de l\’attaché militaire à l\’ambassade de-France, prendra la tête des opérations et comma1Jdera les renforts.
En février 1993, 680 militaires français se trouvent officiellement au Rwanda pàur assurer, théoriquement, la protection de 400 de leurs compatriotes .civils. Jouant sur les rotations, Paris réussit parfois à maintenir plus de 1 000 hommes au Rwanda.
Certes, sur le plan politique, la France appuie les négociations d\’Arusha. Mis sur la sellette à propos de sa politique au Rwanda, l\’Elysêe se défendra contre ce \ »procès somlm!lre\ » en . soulignant que \ » la France resta sur le terrain pour
·empkher une reprise des combats, tout en menant une action diplomatique en vue d\’un accord politique entr.e les parties, ce·qui a mis en route un processus de réconciliation nationale ». Ce qui est vrai et faux à la fols : la France, certes, soutient la nêgocletion, mais elle souhaite . également rester militai ment présente au RwandaetregrettequeleFPRaitposéledépart de ses troupes comme condition incontournable. En termes voilés, une lettre de François Mitterrand, adreSsée-le 18 janvier 1993 au Président Habyarimana, exprime cette déception : elleassurequefi laFtanœappuielesnlplations d\’Atusha qui doivent pennellre de dlllnlr les contiltions de la transition et d\’en fbtet les Hm/tss dans Je temps. […JJe souhaite que le souci de régler par la vole politique les difMrends qui opposent les deux parties continue â prJvaloir ».
c J\’ai cependant, ajoute François Mitterrand, pris note des termes de l\’accord de cessez-le-feu

(colonne du milieu des pages)

innombrables témoignages faisant état de massacres, de disparitions, d\’attentats. Refusé, jusqu\’en février 1994, de se joindre aux démarches diplomatiques menées par la Belgique, le Canada, la Suisse et le Vatican après les tueries qui suivirent l\’assassinat de Félicien Gatabazi (du PSO) et de Martin Bucyana (du COR). Elle a affronté directement le Front pa:triotique et encouragé, au sein des partis d\’opposition, les partisans de la tendance radicale Power. Alors que la radio privée du Présider:rt devenait de plus en plus critique à l\’égard des Belges, que les accords de paix étaient dénigrés sans discontinuer, la France, elle, étlit portée au pinacle par les extrémistes, les mêmes massacreurs qui allaient accueillir en sauveurs les troupes de l\’opération Turquoise.

Les vrais amis
Jusqu\’au 6 avril, cette at:tit4de étalt\ »pour le moins compromettante, mais sans plus. Après l\’attentat, lorsque tombèrent les masques et que chacun rejoignit son camp, la Frânce, plus· clairement que jarriais, choisit le sisn. ·
Le président de la République, à 21 h 30, fut l\’u  des premiers à assurer Mme Habyarimana de ses condoléances et de son soutien, à lui proposer l\’asile. Le 7 avril, il lui adressa une missive : « En ces dramatiques circonstances, la France se souvient des éminentes qualités de ce chef d\’Etat qui souhaitait, avec courage et détermination, conduire son pays vem la réconciliation nationale. »·Quelques jours plus tard, Edouard Balladur exprimera de.son coté « toute /\’affliction que [lui] cau5ait la disparition tragique de cet ami de la France, qui avait. engagé son pays sur la voie du renouveau, dans des circonstances particullêrement difficiles».
Agathe Habyarlmana prit donc place, en priorité, à bord du premier appareil à destination de Bangui, puis de Paris. Quelque 60 enfants de . l\’orphelinat Sainte-Agathe, des enfants de · militaires, étaient du vo ge, ainsi que 34 \ »accompagnateurs\ » rwandais tiui disparurent par la suite 171. Le Président tenait bea·ucoup à ce que · cette amie de la France soit dignement accueillie, et le ministre de la Coopération, André Roussin, débloqua un crédit spécial de ·200 000 francs pour l\’accueil des réfugiés rwandais, ou du moins de ces réfugiés-là. En septembre 1994, la veuve du Président quitta finalement la France pour le Gabon. Alors que la vllle se couvrait de barricades, que le Front patriotique sortait de son cantonnement, que les équipes de tueurs ratissaient les maisons des Tutsis et des opposants, les dignitaires du régime Habyarlmana·se réunirent à l\’ambassade de France et y constituèrent le gouvernement provisoire. Grâce à l\’intervention de l\’am.bassadeur de Suisse, Pierre Gakumba, militant de l\’Assoclatlon rwandaise pour la défense des droits de l\’homme, parvint également à franchir le portail de l\’ambassade de France. A G êve. il témoignera de son expérience devant la Commission des droits de l\’homme : «A plusieurs reprises, j\’ai demandé protection et refuge chez les casques bleus qui m\’ont refoulé sous prétexte de leur neutralité face aux massacres. M§me.quand j\’ai profité de leur retrait du quartier 1\’913 leur caserne centrale et que je me suis faufill dans leur convoi, ils m\’ont encore fennl le portail au nez quand nous sommes arrivés aprés une traver5\’e de dizaines de barrages érigés par des militaires et des milices puissamment armés. Sur tous ces barrages, je voyais des gens assis, enchaTnés les mains dans le dos, en·train d\’Mre massacrés et qui criaient au 5ecours·quand ils voyaient passer
·les casques bleus Inaccessibles. […] Devant l\’ambassade de France, il y avait des centaines de familles accrochées au portail et li qui l\’on refusait /\’.entrée. Quelle ne fut pas ma stupeur de voir les gens qui étaient rassemblés dans cette ambassade de France ! Tous les dignitaires du régime et leurs familles, dont les ministres et les députés du parti du PréSldent, la balle-famille du Président, le directeur de la radio RTLM etses subalternes connus pour ieurs appels aux massacres. En tout cas, aucune présence des employés nationatix de l\’ambassade ou du centre culturel francais. Deux de ces employés que je connaissais m\’avaient pourtant téléphoné la veille pour me dire qu\’ils avalent demandé sec9urs à leur employeur français, mais sans réponse. Mais que craignaÎent ëes dignitaires du n§gime puisque je les voyais sortir à tout moment
· de l\’ambassade avec leurs escortes de militaires pour circuler daris les quartiers en flammes ? A leur tour, Ils tenaient des réunlôns A l\’ambassade pour parler de l\’évolution de la situation et Ils se plaisaient à dresser le bilan des victimes ou 1 regretter que telle où telle personne n\’ait pas
·encore Ill! fuie, ou que tel ou tel quartier n\’ait pas encore Ill! nettoyé. Ils vantaient tout haut les i\’ésultats dè leurs plans et les exploits des milices. […] Lorsque commença J\’t§vacuation, figuraient sur la première liste des gens li évacuer les noms de certaines personnalités reconnues comme che\’fs de bande de milices, dont le mdacteur en chef du journal Kangura, Hassan Ngeze, réputé pour ses écrits incendiaires. Je
suis montt§ dans l\’avion sur Insistance de l\’ambassadeur de Suisse, car Je ministre de la Santt§, casimlr.Bizimungu, refusait que je sois embarqué. »
Vénuste Kayimahe, qui avait travaillé durant dix-huit ans au centre culturel français, croyait que ses états de service lui vaudraient une certaine protection. Il n\’en fut rien. Dans une lettre ouverte, qu\’il adressa depuis Nairobi au Président Mitterrand, il écrivit :
« lorsque les paras français se sont déployés dans la capirale rwandaise et sur Je reSte du territoire à la recherche de Jeum compatriotes et de quelques autres étrangers, ]\’Mais loin d\’imaginer qu\’ils •oublieraient\ » volontiers de porter secours aux fidèles collaborateurs de la France qui se trouvaient en danger. lis avaient, contrairement à toutes les autres personnes et à toute autre force, le droit et la liberté de se rendrepartoutoDIlsvoulaient;avaientaccèsà .
us (es .lieux, m§me les plus sensibles et les mieux protégés, tels que les.camps militaires et l\’état-major gouvernementaux. Aux barrages, des miliciens qui assassinaient à tour de bras levaient, en signe d\’amitié, leurs machettes sanglantes et les saluaient par des \ »Vive la France !\ » enthousiastes avant de leur laisser promptement le passage. Mais je n\’ai pas tardé à constater que je m\’étais trompé : la France n\’avait aucune intention d\’aider ceux des Rwandais en danger qui l\’avalent toujoUIS servie, corps et §me. C\’est; également ce qu\’ont pu constater, a nt ds moudr, ces collègues qui, par téléphone, aliaient lancé des appels au secoum à J\’adresse de Jeurs patrons qui y étaient restés sourds. […] Ils n\’avaient, comme toutes les autres·vidimes, qu  Je tort d\’§tre sait des Hutus tolérants, soit simplement des Tutsis, un c;;me majeur aux yeux des extrémistes du régime. Pendant six jours, j\’ai supplié les responSBQles de la mission de coopération, ceux du centre culture/ et les militaires eux-m§mes pour qu\’ils m\’aident à récupérer les enfants qui se trouvaient à moins de 3 km dans la vl/le, sans résultat. […] Au moment pD /\’ambâssadeur de France se préparait à partir, où Je directeur du centre culturel français qui m\’a employé pendant plus de dix-huit ans venait récupérer les yehlcules de service pour les amener en skurité, et l\’agent comptable chercher les documents de /\’établissement, au moment oD pendant trois joμm et trois nuits de totale inactivité deux sections de paras se vautrflient au centre culturel en mangeant, buvant et regardant la télé à longueur de joumée avant de piller la maison en prenant soin de brissr portes et bureaux Il la recherche d\’un butin éventuel, mes cinq gosses, des familles de col/égues, des centaines de milliers d\’innocents se faisaient égorger par des militaires et des miliciens entraTnés et équipés par votre pays. […]
Lorsque, au matin du 12 avril, l\’ambassadeur et son équipe quittaient le pays, lorsque les paras partaient du centre culturel français en y laissant treize Rwandais dont au moins une dizainè les suppliaient de les sauver, la France a, ce jou là encore, failli au devoir universel d\’assistance à jJersonne en danger. Si actuellement les dix personnes en question sont encore en vie, elles le dolyent uniquement à l\’action.généreuse de militaires belges qui les ont sorties du centre et du Rwanda pour les conduire li Nairobi oD elles ont été mises sous la protection du Haut- commissariat des Nations unies pour les réfugiés. […] Quant à /\’opération Turquoise, le retard mis à penser cette intervention; la publicité et le · forcingdéveloppésparlasuitepoursamiseen · route aménent li se poser des questions sur sa réelle utilité et sa véritable ambition. Trois mois après le début du génocide, le bilan des ho\ »eurs est stupéfiant Plus de un million de morts et peut..§tre deux millions ou plus de déplacés. Après quelque soixante-quinze jours de carnage, la France, par son armée interJ9Sœ, revient sur les lieux, officiellement pour sauver les persécutés. Ce serait beaucoup plus logique de dire: pour constater l\’irréparable 111.»
Les Français aèhevèrent donc l\’évacuation des expatriés et abandonnèrent la population rwandaise à son sort. Non sans laisser quelques • conseillers techniques auprès de leurs anciens alliés et un certain équipement: des blindés de montagne, des hélicoptères de combat, pour une valeurde28millionsdedollars. ·
Paris devait ensuite répondre positivement à la s ggestlon de Boutros-Ghali, qui proposa, 1e·21 avril, de réduire de 2 700 à 270 le nombre de casques bleus. Fin avril, le représentant de la France au Conseil de sécurité devait s\’opposer à ce que le massacre des Tubils fOt qualifié de gtnoclde. Il fallut attendre la réunion de la Commi5slon des droits de l\’homme de l\’ONU à Gef\’!ève à la mi-mai pour que Mme Lucette Mic.haux-Ohevry, ministre chargée de l\’Action humanitaire, prenne la parole au nom de la France et soit l\’une des premières à prononcer enfin le terme maudit. Auparavant, deux des principaux protagonistes des massacres, le ministre des Affaires étrangères Jérôme
· Bicamumpaka et Jean Bosco Baragawyuza, dirigeant du COR, avaient obtenu leur visa pour la France. l_ls furent reçus à l\’Elysée et au Quai


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